Pendant des années, Andeka Nkoy, un ancien menuisier de Banalia, regardait s’éteindre les forêts de son enfance comme on voit disparaître une vieille mémoire. Il avait 62 ans, des mains tannées par les machettes et les lames de rabot, et des silences lourds lorsqu’il parlait du temps où les arbres géants faisaient encore ombre sur les sentiers. Les rivières, jadis pleines de chants et de poissons, avaient vu passer des grumiers plus souvent que des pirogues.
« Quand j’étais jeune, on pouvait marcher trois heures sans voir la lumière du soleil. Aujourd’hui, les enfants jouent au ballon là où les grands arbres couvraient la terre. » Sa voix se brise un instant. Il se souvient des camions sans plaques, des tronçonneuses nocturnes, et de ces hommes « venus d’ailleurs » qui promettaient du développement, mais ne laissaient que poussière et silence.

Pendant longtemps, Andeka Nkoy a cru que rien ne changerait. L’électricité n’arrivait jamais à Banalia, comme si les lignes s’arrêtaient toujours là où les forêts commençaient. Le bois servait à tout : à cuire, à construire, à vendre. Chaque arbre tombé était à la fois une survie et un deuil. « On a détruit notre richesse pour vivre un peu. »
Mais ce matin-là, quelque chose a changé. En longeant la rivière, Andeka s’est arrêté devant un chantier qu’il observait depuis des mois. Là, au cœur de son territoire, un barrage se dressait. Petit, robuste, alimenté par l’eau, pensé pour durer. Selon les habitans croisés sur place, il s’agirrait d’une micro-centrale hydroélectrique, la première d’un programme lancé par le Gouverneur de la Tshopo, Paulin Lendongolia Lebabonga. Objectif : électrifier les territoires reculés, sans polluer, sans brûler, sans couper.
Pour Andeka, ce n’était pas qu’un chantier : c’était une réponse. Une promesse tenue. Il s’en est approché, les yeux humides. « J’ai senti quelque chose… comme si la forêt me disait qu’elle allait peut-être vivre encore. »
D’après les habitants interrogés par KilaloPress, ce projet vient redonné un souffle dans ce territoire de Banalia, notamment les villages de Bengamisa, Ngode, babise et kole. Ainsi donc, plusieurs secteurs, dont Bamanga, Bangba-Banalia, Popoyi et Baboa de Kole verront leurs secteurs bientôt eclairer de nuit, leurs centres de santé auront de la lumière pour soigner, les jeunes ici projetent déjà d’acheter des machines à souder, des moulins à moteur. Mais surtout, les familles n’auront plus besoin d’abattre les arbres pour cuisiner ou s’éclairer. Le bois pourra rester debout.

Dans le village, Andeka est devenu une sorte de griot moderne. Il explique le projet aux plus jeunes, traduit les termes techniques, raconte comment l’eau peut produire de l’énergie sans voler les racines de la terre. Il parle souvent du gouverneur, sans slogans ni flatteries, mais avec gratitude. « Cet homme n’est pas venu planter des discours, il a planté une centrale. Il a compris que notre forêt, ce n’est pas une ressource, c’est notre mère. »

La micro-centrale de Banalia n’est pas un miracle technologique. Elle n’arrêtera pas à elle seule les mafias forestières ou les trafics internationaux. Mais pour Andeka et des centaines d’autres, elle marque un tournant. Une manière de dire : nous avons le droit à l’électricité et à la forêt.
« J’aimerais que d’autres gouverneurs fassent comme lui », conclut Andeka, le regard tourné vers les murs fraîchement bâtis de la centrale. « On ne peut pas protéger la terre avec des discours. Il faut des actes, même petits. Parce que chaque arbre qu’on ne coupe pas, c’est une victoire pour demain. »
Par Franck zongwe lukama