Le mercredi 7 mai 2025, le ministre des Mines Kizito Pakabomba devra s’expliquer devant le Sénat congolais dans le cadre d’une question orale avec débat initiée par le sénateur Vunabandi Kanyamihigo. Ce dernier interpelle le gouvernement sur deux problématiques majeures : le gel prolongé de certains gisements miniers et la non-prise en compte des intérêts des communautés riveraines dans les projets d’exploitation. Ce débat parlementaire, bien qu’encore institutionnel, révèle en toile de fond une réalité bien plus large et préoccupante : celle d’une population congolaise, notamment dans l’est du pays, maintenue dans une extrême vulnérabilité malgré une richesse géologique exceptionnelle.
Souvent qualifiée de « scandale géologique », la République démocratique du Congo regorge de ressources naturelles stratégiques pour l’économie mondiale, notamment pour la transition énergétique. Pourtant, cette abondance ne profite guère aux Congolais. Au contraire, les projets miniers se développent souvent au prix d’une dégradation accélérée de l’environnement, de conflits sociaux croissants et d’une absence de retombées économiques locales tangibles. La plupart des compagnies minières, notamment étrangères, évoluent dans un climat d’impunité, parfois en connivence avec des élites locales, au mépris des droits fondamentaux des populations vivant à proximité des sites d’exploitation.
La question du gel de certains gisements suscite particulièrement l’indignation. Le cas de la SOMIKIVU et de la SOKIMA, deux sociétés minières implantées dans l’est du pays et dont l’État congolais est actionnaire, est emblématique. Ces entités sont restées inactives pendant des années, sans perspectives de relance. Cette inertie alimente la frustration des communautés locales, qui y voient un abandon déguisé, une occasion manquée de création d’emplois et de développement local, d’autant plus intolérable que certaines de ces ressources sont massivement exploitées par des réseaux informels ou des groupes armés opérant dans l’illégalité la plus totale.
Pourtant, le cadre légal en vigueur en RDC prévoit explicitement l’obligation pour les entreprises minières d’intégrer un plan de développement communautaire dans leurs projets. Ces plans, censés financer des infrastructures locales telles que des écoles, des hôpitaux ou des puits d’eau potable, sont rarement appliqués de manière satisfaisante. En l’absence de transparence et de mécanismes de contrôle, ils deviennent souvent de simples formalités administratives, sans impact réel sur la vie des populations. En parallèle, les effets négatifs de l’exploitation – pollution, déplacements forcés, conflits fonciers – continuent de s’accumuler, renforçant la vulnérabilité des communautés déjà précarisées par l’insécurité chronique dans plusieurs régions.

L’est du pays en particulier illustre de manière dramatique ce paradoxe. La présence de minerais attire convoitises et violences, exacerbant les tensions locales et entretenant une instabilité endémique. Ce contexte est utilisé à la fois pour justifier l’inaction de l’État et pour permettre aux acteurs privés de contourner les obligations légales en matière de redevabilité sociale. Il en résulte un système minier profondément injuste, où les bénéfices sont captés en haut de la chaîne, tandis que les coûts humains et environnementaux sont supportés par les plus démunis.
Le débat de ce mercredi 07 mai 2025 au Sénat constitue donc une opportunité rare de remettre au cœur des politiques minières la question de la justice sociale et de la responsabilité environnementale. Il ne suffit plus d’ouvrir des mines ou de signer des contrats : il faut que chaque projet contribue de manière mesurable au développement des communautés concernées. Il est urgent de réformer la gouvernance du secteur, de renforcer la participation citoyenne, d’imposer la transparence contractuelle et de garantir l’effectivité des plans de développement communautaire. Car tant que l’exploitation minière continuera de se faire sans les communautés, voire contre elles, le « scandale géologique » congolais ne sera qu’un nouveau chapitre d’un drame humain et écologique en perpétuelle expansion.
Par Franck zongwe lukama