Le 02 mai 2025, lors du Conseil des ministres, le gouvernement congolais a annoncé l’ouverture de 52 nouveaux blocs pétroliers en plein cœur de la cuvette centrale. Une décision qui a immédiatement déclenché une vague d’indignation de la part de la société civile nationale et internationale. Dans un communiqué conjoint publié le 5 mai à Moanda, la coalition Notre Terre Sans Pétrole, qui regroupe 176 organisations congolaises et internationales, dénonce fermement ce qu’elle qualifie de « choix destructeur du gouvernement ».
Selon les signataires, cette décision est un contresens total à l’heure de l’urgence climatique. Ils y voient une trahison pure et simple des engagements climatiques de la RDC, notamment dans le cadre de l’Accord de Paris. Alors que le pays cherche à se positionner comme un acteur central de la lutte mondiale contre le dérèglement climatique et à tirer profit du mécanisme de crédits carbone, la relance massive de projets pétroliers dans une zone aussi stratégique que le bassin du Congo constitue, selon la coalition, « une incohérence majeure ». Ces projets mettent directement en péril l’un des plus grands puits de carbone de la planète, à travers la destruction programmée de forêts denses et riches en biodiversité, qui stockent des milliards de tonnes de CO₂. L’implication du ministère de l’Environnement dans l’évaluation des projets est, selon les organisations, une tentative de verdissement qui ne saurait masquer une politique foncièrement incompatible avec les engagements nationaux et internationaux du pays.
Plus grave encore, la zone ciblée recoupe une grande partie du Couloir Vert Kivu-Kinshasa, un projet-phare de restauration écologique et de développement durable censé incarner la vision d’une RDC actrice de la transition écologique mondiale. En superposant les blocs pétroliers à ce territoire, le gouvernement menace non seulement d’interrompre les financements et partenariats internationaux mobilisés pour ce projet, mais aussi de décrédibiliser l’ensemble de sa stratégie environnementale. La coalition pose une question centrale : comment le gouvernement peut-il prétendre défendre la transition écologique mondiale tout en organisant la destruction d’un des derniers bastions forestiers tropicaux de la planète ?
Les signataires rappellent également les conséquences désastreuses de décennies d’exploitation pétrolière à Moanda. Ce site est aujourd’hui devenu le symbole de l’échec du modèle extractiviste imposé à la RDC. Pollution chronique des sols et des eaux, destruction irréversible de la biodiversité marine et côtière, multiplication des maladies, tensions communautaires, et surtout, absence totale de retombées positives pour les populations locales : tel est le bilan accablant de Moanda. Pour les organisations, reproduire ce modèle dans la cuvette centrale à une telle échelle reviendrait à sacrifier les communautés locales et les peuples autochtones « sur l’autel d’un développement illusoire, court-termiste et fondamentalement injuste ».
Cette politique de fuite en avant rappelle également le précédent de 2022, lorsque le gouvernement avait déjà tenté de vendre plusieurs blocs pétroliers sans succès. L’appel d’offres avait échoué à susciter l’intérêt des acteurs du secteur, en raison de la non-viabilité économique et environnementale des projets proposés. La coalition souligne qu’en relançant aujourd’hui cette démarche dans un contexte climatique et financier encore plus défavorable, le gouvernement expose une nouvelle fois le pays à un échec retentissant. Selon elle, il est temps que la RDC s’engage réellement dans un modèle de développement fondé sur la protection et la valorisation de ses forêts, au lieu de persister dans une voie aussi destructrice que dépassée.

Face à l’ampleur du danger, la coalition Notre Terre Sans Pétrole formule des exigences claires et immédiates : l’arrêt immédiat de la mise en vente des 52 blocs pétroliers, l’annulation des trois blocs pétroliers et gaziers déjà attribués, et l’instauration d’un moratoire complet sur toute exploration et exploitation pétrolière et gazière en RDC. Enfin, les 176 organisations lancent un appel ferme à la communauté internationale, aux bailleurs, aux agences multilatérales et aux entreprises, leur demandant de ne pas financer, soutenir ou participer à ces projets destructeurs, qui vont à l’encontre des aspirations du peuple congolais à un avenir de paix, de justice et de dignité.
À travers cette prise de position collective, c’est une grande partie de la société civile congolaise et internationale qui tire la sonnette d’alarme. Ce communiqué est un cri, une dénonciation sans équivoque d’une politique qui, si elle est maintenue, risque d’entraîner la RDC et la planète entière vers une catastrophe écologique irréversible. L’histoire retiendra que le gouvernement congolais, au lieu de protéger l’un des plus précieux sanctuaires climatiques du monde, a préféré l’offrir aux intérêts pétroliers. Le pétrole passera. Les dégâts, eux, resteront.
Par Franck zongwe lukama