KABARE, RDC – Depuis que des zones forestières de l’est congolais sont tombées sous le contrôle de la rébellion du M23, les activités de déforestation illégale y ont explosé, mettant en péril un patrimoine écologique d’une valeur inestimable.
Situé à l’ouest de Bukavu, le parc national de Kahuzi-Biega, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est devenu le théâtre d’une exploitation intensive des ressources forestières. Dans cette région montagneuse du Sud-Kivu, les forêts tropicales humides, autrefois sanctuarisées par la présence de l’État, sont désormais largement ouvertes à l’exploitation commerciale de bois et de charbon. Ce changement brutal s’explique par la récente avancée militaire du groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, qui a pris le contrôle de vastes territoires, facilitant la circulation de marchandises grâce à la suppression des points de contrôle gouvernementaux. Résultat : des centaines d’arbres sont abattus chaque jour pour alimenter le marché florissant du makala, le charbon de bois local.
Pour les populations locales, cette ruée vers le charbon représente une bouffée d’oxygène économique. « Nous coupons les arbres pour vivre, pour nourrir nos enfants et avoir un peu d’argent pour le savon ou les soins », explique Sifa Bahati, vendeuse au marché de Murhesa, à une trentaine de kilomètres au nord de Bukavu. Le prix d’un sac de charbon de 70 kg a chuté de moitié, preuve d’une production devenue massive. Mais cette manne soudaine a un revers tragique : l’impact sur les écosystèmes est dévastateur. Le parc de Kahuzi-Biega abrite encore l’une des dernières populations de gorilles de plaine de l’Est, également appelés gorilles de Grauer, une espèce déjà classée en danger critique d’extinction.
« Si la situation persiste, nous allons perdre ce parc, et avec lui, ce qui reste de l’habitat naturel des gorilles », alerte Josue Aruna, responsable d’une ONG environnementale locale. Malgré les appels répétés des ONG pour suspendre les activités de déforestation illégale, les dirigeants du M23 font la sourde oreille. Une lettre officielle leur a été adressée pour les alerter sur les dommages irréversibles infligés à l’environnement, mais aucune réponse n’a été donnée, ni par le porte-parole du groupe ni par le gouverneur de facto du Sud-Kivu.
Pendant ce temps, ce sont environ 3 000 sacs de charbon qui seraient expédiés chaque jour vers Bukavu et Goma, selon les estimations des activistes sur le terrain. La situation actuelle illustre un dilemme profond : entre urgences sociales et impératifs écologiques, les forêts congolaises sont prises en étau. À défaut d’un engagement fort des autorités — nationales comme rebelles — et d’un soutien international accru, le parc de Kahuzi-Biega pourrait bien rejoindre la liste noire des sanctuaires perdus de la biodiversité mondiale.
En l’absence d’une solution durable, ce sont non seulement les gorilles qui sont en danger, mais aussi l’équilibre écologique de toute une région et l’avenir de générations entières qui dépendent de ces ressources naturelles pour vivre. La situation sécuritaire dans l’est de la RDC demeure instable, rendant difficile la mise en œuvre de politiques environnementales efficaces. Mais la protection du patrimoine naturel congolais doit rester une priorité.
Par kilalopresss