L’extraction des métaux dits « critiques », essentiels à la décarbonation de l’économie mondiale, suscite un véritable paradoxe : ces minerais sont au cœur de la transition énergétique, mais leur production génère des impacts environnementaux et sociaux considérables. Parmi ces métaux, le cobalt, extrait en grande partie en République Démocratique du Congo (RDC), occupe une place stratégique, notamment pour la fabrication des batteries des véhicules électriques. Toutefois, l’exploitation de ces ressources, particulièrement dans les zones minières de la RDC, soulève des questions cruciales sur la soutenabilité de cette transition.
La RDC détient environ 65 % des réserves mondiales de cobalt, un métal indispensable aux technologies vertes, mais son extraction s’effectue dans des conditions souvent désastreuses. Environ 20 % de la production provient de mines artisanales, où les conditions de travail sont épouvantables. Des milliers de mineurs, souvent dans des situations de grande précarité, extraient le cobalt à mains nues, exposés à des risques mortels et à une pollution massive. À côté de ces mines artisanales, les exploitations industrielles ne sont pas exemptes de critiques, notamment en raison des impacts environnementaux lourds : déforestation, pollution des cours d’eau et des sols, sans compter les effets délétères sur la santé des communautés locales, exposées à des produits chimiques et à des métaux lourds.
Cette situation met en lumière la tension entre les bénéfices économiques de l’exploitation minière et les coûts sociaux et environnementaux associés. Si le cobalt congolais alimente les marchés mondiaux, les populations locales ne tirent que peu profit de cette richesse. La question de l’éthique de l’exploitation minière devient alors incontournable, tant pour les pays consommateurs que pour les producteurs. L’Europe, qui dépend largement des importations pour ses besoins en métaux critiques, a lancé des initiatives pour sécuriser ses approvisionnements et réduire sa dépendance à des pays comme la Chine ou la Russie. Le “Critical Raw Materials Act” (CRMA), adopté par l’Union européenne en 2023, prévoit de couvrir 10 % de ses besoins en métaux critiques par des extraits européens d’ici 2030. Bien que des réserves de lithium existent en Europe, en France, en Suède ou au Portugal, la RDC reste un fournisseur clé pour des métaux comme le cobalt.
Cependant, la question se pose de savoir dans quelles conditions cette extraction se fait dans les pays producteurs, notamment en RDC. L’Union européenne, à travers des partenariats, s’efforce d’imposer des normes de respect des droits humains et d’environnement, mais ces engagements sont souvent difficiles à faire respecter sur le terrain. Le cobalt congolais, par exemple, est principalement purifié en Chine, où les normes environnementales sont moins strictes, et où les droits des travailleurs ne sont pas toujours garantis. Une autre réponse à ces enjeux pourrait venir du recyclage des métaux critiques. Le CRMA estime qu’environ 15 % des besoins en métaux critiques de l’Europe pourraient être couverts par le recyclage d’ici une vingtaine d’années. Bien que cette solution soit prometteuse, elle ne suffira pas à elle seule à répondre à la demande croissante pour des technologies comme les batteries de véhicules électriques. De plus, le recyclage n’est pas une solution totale : une partie des métaux extraits reste irréversible, et leur récupération est limitée par des facteurs techniques et économiques.
Le recyclage offre cependant une voie intéressante pour réduire les pressions sur l’extraction minière, en Europe comme ailleurs. Toutefois, il ne doit pas détourner l’attention de la nécessité de repenser nos modes de consommation et de production, en particulier dans les pays en développement, où les impacts environnementaux sont les plus lourds. L’un des grands défis de la transition énergétique est de garantir que les bénéfices de l’exploitation minière profitent effectivement aux communautés locales, et que les impacts environnementaux soient maîtrisés. Dans le cas de la RDC, cela signifie qu’il est impératif de mettre en place des partenariats plus équitables, où les communautés locales soient partie prenante des décisions et bénéficient directement des retombées économiques de l’exploitation minière.
L’UE, avec son “Critical Raw Materials Act”, a un rôle clé à jouer pour encourager des partenariats responsables, respectueux des normes environnementales et des droits humains. Mais cette responsabilité ne doit pas se limiter aux seules entreprises extractrices : les gouvernements, les organisations locales et les citoyens doivent aussi jouer un rôle actif dans la mise en place de mécanismes de suivi et de transparence.
Par kilalopress