À Kinkole, dans l’est de Kinshasa, une activité illégale et destructrice des ressources naturelles prospère : la vente illicite de bois, en grande partie destinée à alimenter le marché du bois local. Aux différents ports privés de la région, et en particulier au port Safricas, cette pratique est devenue monnaie courante, avec des centaines de grumes flottant sur le fleuve, vendues sans aucun contrôle ni respect des réglementations en vigueur.
L’Association des exploitants forestiers artisanaux a récemment dénoncé cette situation dans une déclaration alarmante. Selon l’association, de nombreux radeaux en provenance de la province de l’Équateur arrivent au port de Kinkole sans les documents légaux nécessaires pour prouver la légalité de l’exploitation du bois. Une fois sur place, ces grumes sont vendues directement depuis le fleuve, en dehors de tout cadre réglementaire, à des acheteurs qui, dans bien des cas, ignorent l’origine exacte de la marchandise.
Les conséquences de ce commerce illégal sont multiples. En plus de l’impact direct sur la gestion durable des forêts, la vente de bois sans documents légaux prive l’État des recettes fiscales qu’il pourrait percevoir grâce aux taxes d’exploitation. Un manque à gagner qui fragilise l’économie locale et aggrave l’absence de régulation dans le secteur forestier.
Ce qui est peut-être encore plus préoccupant, c’est l’effet de cette pratique sur les acheteurs de bois. Ceux-ci se retrouvent contraints de payer des frais supplémentaires, souvent au-delà du prix du bois lui-même, pour régulariser la situation auprès des autorités compétentes. Ces frais, qui peuvent s’élever à des dizaines de milliers de francs, sont nécessaires pour obtenir les documents d’exploitation manquants — une charge que les exploitants forestiers eux-mêmes évitent souvent en raison des coûts et des procédures administratives complexes.
Baru, président de l’Association des exploitants forestiers artisanaux, précise que les exploitants artisanaux eux-mêmes n’achètent pas les documents officiels d’exploitation et évitent les taxes dues à l’État. Ils préfèrent vendre directement sur l’eau, un choix qui les met à l’abri des inspections et de la surveillance. Mais ce sont les acheteurs finaux, souvent des femmes commerçantes, qui se retrouvent à payer pour des documents qui ne devraient jamais être leur responsabilité. Cela crée un cercle vicieux, où les parties prenantes se retrouvent prises au piège d’une économie parallèle, sans aucune garantie sur la provenance ou la durabilité des produits.
Au-delà de la question économique, la vente illégale de bois à Kinkole soulève également des préoccupations écologiques majeures. Le trafic de bois non contrôlé contribue directement à la déforestation en République Démocratique du Congo (RDC), un pays qui abrite l’une des plus grandes forêts tropicales du monde. La coupe illégale d’arbres prive non seulement l’État de ressources financières vitales, mais menace aussi la biodiversité unique de la région, exacerbant les effets du changement climatique et mettant en péril les communautés locales qui dépendent de ces écosystèmes pour leur subsistance.
En outre, l’absence de réglementation signifie qu’il n’y a aucun contrôle sur la méthode d’exploitation du bois. Cela signifie qu’aucune mesure de conservation des forêts n’est mise en place, ce qui engendre une dégradation accélérée des écosystèmes.
Face à cette situation, plusieurs acteurs de la société civile, dont les exploitants forestiers artisanaux eux-mêmes, appellent à une prise de conscience générale et à des actions concrètes pour mettre fin à ce commerce illégal. Il est urgent que l’État renforce la surveillance et l’application des lois forestières, mais aussi que des alternatives légales et durables soient mises en place pour les exploitants artisanaux, afin de leur permettre d’exercer leur activité dans le respect de l’environnement et de la loi. En outre, des efforts doivent être faits pour sensibiliser les consommateurs à l’importance d’acheter du bois provenant de sources légales et durables, afin de soutenir l’économie formelle et de préserver les forêts du pays. Les solutions ne viendront pas d’un seul acteur, mais d’un travail de collaboration entre les autorités, les acteurs économiques et les communautés locales.
Par kilalopress