Les rues de Kinshasa vibraient ce vendredi 31 octobre 2025. De jeunes militants, des étudiants brandissant des pancartes et calicots, et autres defenseurs climatiques venus de différents quartiers de kinshasa ont convergé vers le boulevard la place des echangeurs. Au rythme des champs, les slogans « Notre terre n’est pas à vendre ! » et « Pas de pétrole sur nos forêts ! » montaient dans l’air lourd de la capitale.
Cette marche citoyenne, organisée dans le cadre de la campagne « Notre Terre Sans Pétrole », n’était pas un événement isolé. Elle s’inscrivait dans une mobilisation nationale simultanée à Goma, Bukavu, Muanda, Kisangani, Beni et Mbandaka. À la veille de la COP30, prévue à Belém, au Brésil, la société civile congolaise voulait envoyer un message clair : la justice climatique doit commencer ici, en République Démocratique du Congo.
À la fin de la marche, une déclaration solennelle a été lue par la coalition Notre Terre Sans Pétrole (NTSP), regroupant plus de 180 organisations congolaises, africaines et internationales. Les manifestants, rassemblés devant le Palais du Peuple, ont écouté dans un silence attentif. Le message était sans détour : « Le pétrole est la source du problème, pas la solution. »

Depuis plusieurs années, le gouvernement congolais se présente comme un « pays-solution » face à la crise climatique mondiale. Mais la relance en mai 2025 d’un vaste appel d’offres pour 52 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers sur le lac Kivu vient ternir cette image. Ces projets couvrent plus de 124 millions d’hectares, soit la moitié du territoire national, menaçant à la fois 8,3 millions d’hectares d’aires protégées et 66,8 millions d’hectares de forêts tropicales intactes. Plus grave encore, ils toucheraient les terres et l’avenir de près de 39 millions de Congolaises et de Congolais.
« Un pays qui détruit ses forêts, ses tourbières et ses communautés ne peut pas être un pays-solution », dénonce la coalition. Pour les marcheurs, cette contradiction mine la crédibilité du pays à la veille de la COP30 et compromet son image internationale.
Parmi les participants, certains tenaient des pancartes où l’on pouvait lire : « Pas un baril de plus », « Le pétrole détruit la vie », ou encore « Les forêts, c’est notre richesse ». D’autres chantaient en lingala : « Tokolinga mabele, toboyi mafuta » — « Nous aimons la terre, nous refusons le pétrole ».
L’exemple de Muanda a souvent été cité au cours de la journée. Dans cette ville côtière du Kongo Central, après plusieurs décennies d’exploitation pétrolière, la pauvreté demeure criante. Les zones de pêche et d’agriculture ont été contaminées, les terres abandonnées, et les maladies respiratoires se sont multipliées. « Le pétrole apporte des promesses, puis des problèmes. À Muanda, il a détruit nos terres et nos pêches. Demain, ce seront nos forêts et nos lacs », confia une jeune militante venue spécialement du littoral, la voix brisée par l’émotion.
Les manifestants craignent que ce modèle d’exploitation ne soit étendu vers la Cuvette centrale, la Tshopo ou les zones lacustres de l’Est, aggravant la pauvreté et les divisions sociales. Pour eux, ce n’est pas du développement, mais de la destruction.
La déclaration lue à Kinshasa a rappelé le rôle crucial des tourbières congolaises, ces zones humides situées principalement dans la Cuvette centrale. Elles constituent le plus vaste complexe de tourbières tropicales au monde, stockant à elles seules près de 30 milliards de tonnes de carbone. Autrement dit, ces écosystèmes agissent comme de gigantesques « puits de carbone », essentiels pour réguler le climat mondial. Les détruire, avertissent les scientifiques, reviendrait à libérer dans l’atmosphère l’équivalent de plusieurs années d’émissions mondiales de CO₂.
« Nos forêts, nos lacs, c’est notre maison, notre pharmacie, notre école. Si elles disparaissent, c’est nous qui disparaissons », a lancé un représentant des communautés forestières, sous les applaudissements nourris de la foule.
Au-delà de l’environnement, les manifestants ont insisté sur les implications sociales. Les zones ciblées par les blocs pétroliers ne sont pas des espaces vides, mais des territoires habités. Elles abritent des pêcheurs, des agriculteurs, des peuples autochtones, des enfants et des familles entières. La coalition rappelle que le pétrole n’apporte pas la prospérité, mais la division et la pauvreté. Elle exige que soit respecté le « consentement libre, préalable et éclairé » des communautés — un principe reconnu par la loi congolaise et les conventions internationales, garantissant aux populations locales le droit d’être consultées avant tout projet touchant leurs terres.

Pour la société civile, la véritable richesse de la RDC réside non pas dans son sous-sol, mais dans sa population, ses forêts et ses eaux. Elle plaide pour un modèle fondé sur les énergies renouvelables, l’agriculture durable et la protection des forêts communautaires. « Le modèle fossile est une impasse ; la transition juste est la seule voie vers la prospérité », a affirmé un militant, tandis que d’autres scandaient « Transition juste maintenant ! ».
La déclaration présentée ce jour formule six exigences précises : l’annulation immédiate des 52 blocs pétroliers et des 3 blocs gaziers du lac Kivu, un moratoire national sur tout nouveau projet d’exploitation, la protection effective des tourbières et du « Couloir vert Kivu-Kinshasa », le respect du consentement des communautés, un investissement prioritaire dans les énergies propres, et enfin la transparence totale sur les contrats et revenus du secteur extractif. Au fil de cette action, les visages fatigués mais déterminés des jeunes manifestants traduisaient un même sentiment : celui de lutter pour un avenir où la prospérité du Congo ne dépendra plus du pétrole, mais de la préservation de la vie. À la veille de la COP30, la coalition Notre Terre Sans Pétrole promet de porter cette voix jusqu’à Belém.
« Le gouvernement ne peut pas défendre la justice climatique tout en étendant l’exploitation pétrolière. La justice climatique commence ici, en RDC », a conclu la déclaration, reprise en chœur par la foule, poings levés vers le ciel couvert de Kinshasa.
Dans bruits des transport sur les rues de limete, au son des tambours et des chants, un message s’est imposé : le pétrole n’est plus un avenir possible pour le Congo.
Par kilalopress