En République Démocratique du Congo (RDC), le développement durable des communautés impactées par l’exploitation minière demeure une promesse non tenue. Selon un rapport récent du Centre Carter, le bilan de la signature et du financement des cahiers des charges entre 2018 et 2024 est décevant. Si ces cahiers des charges sont censés garantir des compensations pour les populations riveraines affectées par l’activité minière, le faible taux de signature et les budgets dérisoires alloués à ces projets soulignent un échec flagrant dans l’application des principes de responsabilité sociétale des entreprises. Cette situation soulève des questions enquitantes sur l’avenir du développement durable en RDC, et sur la manière dont les ressources naturelles, sources de richesse, continuent de négliger les droits des communautés locales.
Le Centre Carter a publié, en novembre 2024, un « Livre blanc sur les cahiers des charges des entreprises minières en RDC » qui met en lumière des chiffres alarmants : sur les 402 cahiers des charges censés être signés entre 2018 et 2024, seuls 71 ont été effectivement validés. Ce chiffre représente à peine 18% des engagements prévus. Au-delà de ce faible taux de signature, l’étude pointe un autre problème majeur : les montants alloués aux projets de développement durable sont dérisoires. En moyenne, les budgets des 71 cahiers des charges signés ne représentent que 0,2% du chiffre d’affaires annuel des entreprises minières concernées, soit un investissement minimal pour la réhabilitation des communautés touchées par l’exploitation minière.
« Les entreprises ne financent ces projets qu’à hauteur de 1% de leur chiffre d’affaires d’une seule année, une contribution dérisoire au regard des besoins réels des communautés affectées », note le rapport. Cette situation montre clairement que les engagements financiers sont largement insuffisants pour soutenir un véritable développement durable et ne font qu’aggraver les inégalités entre les exploitants miniers et les populations locales.
Un des points soulevés par le Centre Carter est la confusion et les tensions concernant la source de financement des cahiers des charges. Si le Code minier de 2018 prévoit que les entreprises minières contribuent à hauteur de 0,3% de leur chiffre d’affaires annuel pour le développement durable des communautés, ce fonds ne semble pas suffisant pour couvrir les coûts des projets de développement durable. Fabien Mayani, chef du programme « Droits humains et transition juste » au Centre Carter, affirme que cette dotation de 0,3% est souvent utilisée par les opérateurs miniers pour se soustraire à leurs obligations financières réelles, en se contentant de la contribution minimale et en évitant ainsi d’allouer des fonds substantiels à des projets véritablement impactants.
Le financement des cahiers des charges devrait provenir du budget social des entreprises, et non de ce fond minimal. Mayani appelle à une révision des pratiques et à un engagement réel de la part des opérateurs miniers pour financer des projets de développement qui répondent aux besoins des communautés, conformément aux obligations légales énoncées dans le Code minier. Plusieurs raisons expliquent cette faible signature et l’insuffisance des financements. L’asymétrie d’information entre les entreprises minières et les communautés est l’une des principales causes, les populations locales étant souvent mal informées de leurs droits et des procédures à suivre. De plus, certains opérateurs miniers manquent de culture en matière d’investissement durable et ne font pas de l’amélioration des conditions de vie des riverains une priorité. Le manque de volonté et de contrôle de la part des autorités, qu’elles soient locales ou nationales, aggrave cette situation. Le gouvernement central et les autorités locales sont souvent accusés de ne pas mettre en place des mécanismes de suivi efficaces pour assurer le respect des engagements.
Le Centre Carter suggère plusieurs mesures pour redresser la situation. Il recommande que le ministre des Mines signe un arrêté fixant un seuil minimal de financement des cahiers des charges, à hauteur de 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise minière, ou de son chiffre d’affaires prévisionnel pour les entreprises en phase de développement. En outre, il appelle les gouverneurs des provinces à intégrer un budget pour le fonctionnement des commissions permanentes d’instruction des cahiers des charges dans le cadre de leurs projets budgétaires. L’exploitation minière en RDC génère d’énormes richesses, mais ces profits ne bénéficient que très partiellement aux communautés qui subissent les conséquences environnementales et sociales de cette activité. Le faible taux de signature des cahiers des charges et les budgets dérisoires alloués à ces projets sont un signe inquiétant de l’inefficacité du système actuel. Pour remédier à cette situation, il est urgent de réformer le cadre juridique et de renforcer les mécanismes de suivi et de contrôle. Le Centre Carter appelle à une prise de conscience collective et à une volonté politique forte pour que les communautés riveraines des sites miniers puissent réellement bénéficier d’un développement durable, équitable et transparent. Il en va de l’avenir de ces communautés, mais aussi de la pérennité des ressources naturelles du pays.
Par kilalopress