Sadiki Shemukobya Espoir, militant reconnu, coordonnateur national de l’Association Nationale des Victimes du Congo (ANVC) et membre actif du Réseau RODDDI-RDC, n’est pas un criminel. Il est aujourd’hui emprisonné pour avoir osé défendre les victimes des déplacements forcés et documenter les atteintes environnementales dans les zones minières du Haut-Uélé. Sa détention, intervenue à Watsa, est non seulement illégale, mais profondément révélatrice d’un système judiciaire corrompu, complice et silencieux face aux violences contre les défenseurs de la nature et des droits humains.
Alors que le pays croule sous les slogans d’État de droit, la réalité sur le terrain est bien plus brutale. Ici, la justice ne protège pas, elle punit ceux qui parlent. L’administration ne gouverne pas, elle écrase ce qui dérange. Et la société, elle, regarde ailleurs, jusqu’à ce qu’un nom — comme Sadiki — réveille les consciences et mette à nu l’hypocrisie collective. Sadiki a été arrêté alors qu’il menait une mission officielle, en toute légalité, pour documenter les abus commis contre les communautés déplacées par les activités minières — notamment dans les zones d’influence de Kibali Gold Mine, dont les pratiques soulèvent régulièrement l’indignation locale. Des villages rasés, des maisons détruites par les militaires, des autochtones traqués sous la pluie — voilà le décor que Sadiki tentait de rendre visible. C’est ce travail d’enquête qui a dérangé. C’est ce courage citoyen que l’on cherche aujourd’hui à faire taire.
L’ordonnateur de son arrestation ? L’administrateur du territoire de Watsa, Magayi Missa Dieudonné, un nom désormais lié à une décision injustifiable. Ni mandat clair, ni procédure respectée. Aucune forme de droit, uniquement la force. Une répression administrative à visage découvert, contre un homme sans autre arme que sa voix et ses dossiers. Mais les réseaux associatifs ne cèdent pas. Depuis Bukavu, Kinshasa, Uvira, les appels à la libération immédiate de Sadiki se multiplient, de plus en plus forts, de plus en plus déterminés. L’ANVC parle de “geste d’humiliation” et prévient : si la situation perdure, la lutte s’intensifiera sur tous les fronts. Le RODDDI dénonce une “stratégie de terreur légalisée” contre les activistes humanitaires. L’UNICOPS, quant à elle, rappelle que dans la même province, des militaires tirent sur des civils comme en terrain conquis, dans l’indifférence quasi générale. À ce stade, il n’est plus question de mobilisation symbolique. Ce qui est en jeu, c’est le droit même de défendre. Le droit de respirer. Le droit de documenter ce qui détruit notre environnement et nos sociétés.
Qu’attend la justice congolaise pour agir ? Depuis quand l’arbitraire local est-il devenu plus fort que la loi nationale ? Combien de militants faudra-t-il emprisonner, tuer ou réduire au silence avant que l’administration se réveille de sa léthargie complice ? Chaque heure passée par Sadiki en détention est une honte partagée : pour l’État, pour le système judiciaire, pour la société civile trop passive. Il est inadmissible que ceux qui se battent pour les déplacés, les forêts et les droits humains soient ceux que l’on emprisonne. Aujourd’hui, des voix s’élèvent. Des lettres circulent. Des protestations s’organisent. Mais cela ne suffira pas. Il faut que la rue parle, que les médias relayent, que les institutions internationales s’en mêlent. Il faut que la société congolaise arrête de détourner les yeux. Le moment est venu d’exiger des comptes, haut et fort, et de réclamer, sans condition ni délai, la libération de Sadiki Shemukobya Espoir. Ne pas le faire, c’est envoyer un message clair à tous les défenseurs de l’environnement : “Vous serez seuls.” Et cela, nous ne pouvons pas l’accepter.
Par Franck zongwe lukama