Accord de paix RDC–Rwanda : Olivier Ndoole salue une avancée, mais plaide pour une paix juste, au service des communautés et de l’environnement

Au cours d’un entretien accordé à KilaloPress, l’avocat d’intérêt public et défenseur climatique Olivier Ndoole a salué la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, y voyant un pas important vers la stabilité régionale. Tout en reconnaissant le potentiel d’une coopération bénéfique, notamment avec des partenaires internationaux comme les États-Unis, il insiste sur l’impératif de rendre cet accord opérationnel dans le respect des droits des communautés locales, de la souveraineté nationale et de la protection de l’environnement.

En RDC, où les cicatrices du conflit restent visibles à chaque carrefour, la perspective d’un apaisement durable entre Kinshasa et Kigali nourrit autant d’espoir que d’interrogations. Car si la paix est annoncée, ses contours restent flous. Et dans une région historiquement marquée par l’exploitation violente des ressources, la mémoire du passé impose une lecture prudente des promesses diplomatiques. “Nous ne pouvons que saluer ces pas-là”, affirme Me Ndoole, “si ce sont des pas qui visent à stabiliser la région, à rompre avec une exploitation émaillée de sang.” Mais il prévient : l’histoire a montré que les accords sans garanties solides peuvent vite devenir des instruments de prédation. Pour qu’ils profitent réellement aux communautés congolaises et à leur environnement, les déclarations de paix devront se traduire en mécanismes concrets, inclusifs et transparents. Derrière les mots soigneusement calibrés des communiqués officiels, la société civile reste sur ses gardes. Olivier Ndoole, avocat d’intérêt public en RDC, le dit sans détour : “Il est à ce stade difficile de mener une analyse approfondie, car le processus a été rendu secret, si pas peut-être sécurisé.”

Pourtant, malgré les zones d’ombre, l’analyse qu’il livre n’est pas un rejet pur et simple. Elle est ancrée dans l’expérience du terrain, mais aussi dans une conscience aiguë du moment géopolitique que traverse la RDC. “Nous ne pouvons que saluer ces pas-là, si ce sont des pas qui visent à stabiliser la région, à créer un climat, si vous voulez, de rupture avec une exploitation émaillée de sang.” Le passé, lui, est bien présent dans chaque phrase. L’exploitation coloniale, les massacres, le pillage des ressources sous silence international : autant de traumatismes qui ont façonné une méfiance justifiée. “Il fallait d’abord massacrer les Congolais, les chasser de leurs terres… pour exploiter les minéraux, pour aller fabriquer des téléphones. C’est inacceptable au 21e siècle.”

Mais Ndoole distingue ce passé d’un présent encore incertain, où une fenêtre semble s’ouvrir. Et il pose une question essentielle, au cœur des débats sur la transition énergétique et les chaînes d’approvisionnement éthique : “Les minéraux stratégiques sont stratégiques pour qui ?”

C’est ici qu’il évoque, à demi-mot, l’entrée en scène d’acteurs comme les États-Unis, qui affichent aujourd’hui une volonté de coopérer avec la RDC, y compris à travers des dynamiques de stabilisation régionale. Ce nouvel intérêt international pourrait être bénéfique — mais à des conditions strictes. “Est-ce que les minéraux congolais peuvent constituer une stratégie pour la République démocratique du Congo, en tenant compte des intérêts des communautés congolaises mais aussi de la souveraineté du pays ? Cela dépendra du cadre opérationnel.” Le scepticisme reste fort : à ce jour, aucune annexe de l’accord n’est rendue publique, aucune clause environnementale ni garantie sur la redistribution des bénéfices ne sont connues. Mais l’idée d’un possible tournant n’est pas exclue, pour peu que cette fois, l’accord rompe avec les pratiques d’extraction prédatrices du passé. Il faudra, insiste-t-il, que les dispositions assurent des “clauses de responsabilité et des diligences raisonnables qui tiennent compte des droits aimés des communautés locales.” En d’autres termes : pas de paix sans justice. Pas de coopération sans souveraineté. Pas de transition énergétique mondiale sur le dos des peuples congolais.
“Avoir un accord, c’est une chose. Mais le rendre opérationnel pour que, nous les petits paysans qui sommes là, nous puissions apprécier ce qui est réellement… c’est une autre chose.”

Ndoole n’est ni naïf, ni fermé. Il reconnaît que “les États vivent de coopération” et qu’il ne s’agit pas de rejeter toute collaboration. Mais il exige que cette coopération soit équitable, transparente, ancrée dans le droit et respectueuse de l’environnement. “Nous devons chercher les passerelles, les éléments connecteurs.” Cela peut inclure la diplomatie régionale, la collaboration avec les États-Unis, les institutions africaines — mais jamais au prix du silence sur les violences passées et présentes.

Ce que propose Me Ndoole, c’est une paix exigeante. Une paix sous conditions. Une paix comme rupture, pas comme recyclage. Il rappelle qu’un accord politique, s’il ignore les dynamiques locales, les terres ancestrales, les droits des communautés, n’est qu’un texte. Et qu’un texte, sans justice, sans transparence, peut être le masque d’une nouvelle dépossession. Alors que les négociateurs parlent de stabilité, ceux qui vivent sur les terres minières attendent des preuves. Une vraie paix, dit-il en substance, commencera le jour où les Congolais n’auront plus à fuir leurs terres pour que le monde recharge ses batteries.

Par kilalopress

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

%d blogueurs aiment cette page :