Accord d’Arusha : Le Réveil Juridique de l’Afrique Face au Changement Climatique

Arusha (Tanzanie), 2 mai 2025 — Un tournant juridique majeur s’amorce sur le continent africain. Une coalition inédite de juristes, d’activistes environnementaux et de défenseurs des droits humains, réunis sous la bannière de la Plateforme africaine sur le climat (ACP) et de l’Union panafricaine des avocats (PALU), a soumis une pétition historique à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, basée à Arusha.

L’objectif de cette initiative : obtenir un avis consultatif sur les obligations légales des États africains face au changement climatique, à la lumière des instruments juridiques régionaux, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole de Maputo, la Convention de Kampala et la Charte des droits et du bien-être de l’enfant.

L’Afrique ne représente qu’une part marginale des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, c’est l’un des continents les plus durement touchés par les impacts du réchauffement climatique : sécheresses prolongées, inondations récurrentes, insécurité alimentaire, effondrement des systèmes agricoles, déplacements de populations…

« L’Afrique est le continent qui a le moins contribué à la crise climatique, mais elle en subit les pires conséquences. Cette action vise à garantir justice, dignité et protection à des millions de personnes à travers le continent », a déclaré Alfred Brownell, directeur de campagne de la Plateforme africaine sur le climat.

Fruit de plusieurs jours de concertation à Arusha entre experts juridiques, militants et représentants de la société civile, la pétition s’appuie sur des principes fondamentaux : le droit à un environnement sain, à l’eau, à l’alimentation, à la santé, au logement, ainsi que le devoir de protection des groupes vulnérables. Elle appelle également à une transition énergétique juste et à la décolonisation de la gouvernance des ressources naturelles.

Parmi les témoignages marquants, celui de Paul Mulwindwa (CIVICUS, Ouganda) : « Plus de 2,6 millions de têtes de bétail sont mortes au Kenya en raison de la sécheresse, provoquant des conflits autour de l’accès à l’eau et à la terre. » Au Libéria, Peter Quaqua (MRU CSO) évoque une Afrique de l’Ouest frappée par des chaleurs records, ruinant les récoltes et exacerbant la pauvreté.

La mobilisation autour de cette démarche dépasse les sphères juridiques. Pour Dorcas Sikujua Faida, militante de RDC, la triple menace que représentent les inondations, la sécheresse et les conflits fragilise les États et accroît la vulnérabilité des populations. En Égypte, Shahinaz Adel attire l’attention sur l’impact différencié de la crise climatique sur les femmes et les jeunes filles, souvent en première ligne sans protection suffisante. Et depuis la Namibie, l’artiste et influenceuse Inna Maria Shikongo rappelle : « Il est temps d’affronter les inégalités induites par le climat. »

Dans cette dynamique, l’ACEDH l’une des organisations de l’initiative (Environmental Rights Action) ERA et Plateforme africaine sur le climat ainsi que partennaire de Global Climate Legal Defense (CLIDEF) et ELAW qui mobilise les acteurs en RDC membres des avocat congolais Olivier NDOOLE, figure de la défense des droits environnementaux en Afrique, apporte un éclairage central sur la portée de cette action :
« Cette requête sollicite l’avis consultatif de la Cour africaine des droits de l’homme : si les questions de l’environnement, si les questions des défenseurs de l’environnement, si la question de la participation est une grande étape pour l’avenir des défenseurs et leur liberté en Afrique. Mais aussi, c’est une victoire d’une solidarité de la société civile environnementale et des militants climatiques en faveur non seulement des ressources environnementales au niveau de l’Afrique, mais aussi la création d’un texte continental, d’un texte qui servira de référence pour la protection des droits environnementaux de nos communautés qui sont affectées par l’exploitation des ressources naturelles, l’exploitation forestière. Mais aussi un cadre référentiel pour l’accès à l’information d’intérêt public, et la protection et l’accès à la justice pour des milliers et des milliers de défenseurs. »

Il s’agit de la première requête de ce type à être portée devant la Cour africaine dans le domaine climatique. Si la Cour émet un avis favorable, cela pourrait établir une jurisprudence continentale qui guidera les politiques environnementales futures et offrira un outil juridique puissant à la société civile.

Baptisée « Accord d’Arusha » par ses initiateurs, cette démarche a tout pour devenir un symbole de résistance juridique, de solidarité transnationale et de mobilisation citoyenne face à l’une des plus grandes menaces de notre temps. Elle incarne une volonté partagée de faire émerger, depuis l’Afrique, une justice climatique ancrée dans les droits humains.

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