Au Sud-Kivu, le 20 décembre 2024, la découverte de 17 Chinois impliqués dans l’exploitation illégale des minerais à Walungu, une région déjà dévastée par des décennies de conflits et de pillages, a fait l’effet d’une bombe. Mais ce qui devait être un pas vers la justice et la répression d’une mafia minière internationale semble se transformer en un imbroglio politique et administratif digne des pires scenarii de corruption.
Les autorités provinciales, sous l’égide du gouverneur Jean-Jacques Purusi, avaient annoncé fièrement l’expulsion des suspects, mais l’affaire prend une tournure des plus inquiétantes. Me Néné Bintu, présidente du Bureau de coordination de la société civile du Sud-Kivu, monte au créneau et accuse ouvertement les autorités congolaises d’avoir laissé filer les responsables à l’étranger. “Qui a autorisé ces criminels à fuir ? Qui est celui qui se trouve au-dessus du chef de l’État pour permettre à ces bandits de s’échapper en toute impunité ?”, tonne-t-elle lors d’une conférence de presse le 24 décembre.
La question qui se pose alors est : pourquoi cette fuite en avant ? Pourquoi ces Chinois, directement impliqués dans une exploitation illégale qui nuit gravement à l’environnement et aux communautés locales, ont-ils été autorisés à quitter la province dans des circonstances aussi floues ? Selon Me Néné Bintu, il s’agit d’une « mafia » opérant à un niveau bien supérieur à celui des simples exécutants. “Ce n’est plus une question de gouvernance locale, mais de protection à haut niveau”, ajoute-t-elle, dénonçant l’inefficacité et la corruption des autorités qui laissent ainsi prospérer une activité criminelle à grande échelle.
Le silence pesant de la Direction Générale de Migration (DGM) et des services de sécurité n’a fait qu’alimenter les spéculations. La DGM, dans une vidéo devenue virale, tente de justifier la situation en affirmant que les ressortissants chinois ont été “reconduits à la frontière conformément à la loi”. Mais qui peut encore croire à cette version officielle quand la fuite des suspects ressemble davantage à une évasion bien orchestrée, traversant les frontières du Rwanda comme si de rien n’était ? Derrière cette histoire d’expulsion se cache une vérité beaucoup plus gênante : une véritable complicité, voire une protection de certains intérêts financiers, politiques et militaires. Le Sud-Kivu, l’une des provinces les plus riches en ressources naturelles du pays, est aussi l’une des plus pillées. La société civile demande des comptes. “Le gouverneur, apparemment soutenu par le chef de l’État, a-t-il vraiment agi seul ? Ou a-t-il été poussé par des forces invisibles, en haut lieu, à laisser ces criminels s’échapper ?”, s’interroge Néné Bintu.
Ce qui révolte encore davantage les citoyens et les acteurs de la société civile, c’est l’ironie de la situation : pendant que certains se gavent de millions dans l’ombre de l’exploitation minière illégale, le Sud-Kivu, l’une des provinces les plus stratégiques du pays, se retrouve à croupir dans la misère. Le budget provincial peine à atteindre les 10 millions de dollars américains, alors que les infrastructures manquent cruellement et que les routes, de véritables autoroutes de la misère, sont quasi-inexistantes. Comment accepter que, dans le même temps, des individus puissent détourner des millions de dollars issus du sang et des larmes des populations locales ?
“La question que nous posons est simple : Pourquoi l’argent généré par les minerais ne profite-t-il pas à la population ? Pourquoi certaines personnes se taillent des fortunes illégales, tandis que le reste de la province sombre dans l’oubli ?”, s’insurge Me Néné Bintu. C’est l’injustice criante d’un système où les plus riches, souvent au-delà des frontières, échappent toujours aux sanctions, tandis que les plus démunis n’ont pour seuls recours que des manifestations vaines et des prières désespérées.
Pour la société civile, la réponse est claire : tous ceux qui ont facilité cette évasion doivent être poursuivis en justice, qu’ils soient fonctionnaires, policiers ou autorités politiques. Il est impératif de déterminer les responsabilités et de mettre fin à cette impunité. “Il est grand temps que le gouvernement provincial, soutenu par la société civile, fasse le ménage et réponde aux attentes légitimes de la population”, conclut Me Néné Bintu. En attendant, la question reste entière : Qui protège réellement cette mafia minière qui ruine les ressources naturelles du Sud-Kivu ? Qui sont les véritables parrains de ce réseau criminel international qui, à défaut d’être jugé, continue de prospérer dans les ombres du pouvoir ? Le Sud-Kivu, terre de ressources, terre d’injustice ?
Par kilalopress