Sud-kivu : Parc national de Kahuzi-Biega : quand la guerre armée efface la frontière entre protecteurs et destructeurs, condamnant un trésor naturel

Sud-Kivu, RDC – Juin 2025 — Au cœur de la luxuriante forêt du parc national de Kahuzi-Biega, refuge mythique des gorilles de plaine, la guerre déchire bien plus que des territoires. Depuis plusieurs mois, l’insécurité générée par le groupe armé M23, ses alliés Raiya Mutomboki et autres factions locales, transforme ce sanctuaire de biodiversité en un champ de bataille invisible, où la nature est la première victime.

Le quartier général du parc, situé à Tshivanga, est désormais occupé par le M23, coupant l’herbe sous les pieds des écogardes et des gestionnaires. « Sans accès à notre base, impossible de coordonner les patrouilles ni de réagir aux menaces dans les zones sensibles, notamment celles où vivent nos gorilles », déplore un responsable local sous couvert d’anonymat.

Le pillage systématique des postes de patrouille – Madirhiri, Kasirusiru, Tshibati, Mugaba, Kakundu – n’est pas qu’un affront matériel. Ces postes sont les lignes de défense de l’écosystème, où chaque brique, chaque outil, chaque uniforme joue un rôle crucial dans la lutte contre les braconniers et l’exploitation illégale des ressources. Avec les armes et les uniformes volés utilisés par les groupes armés, la frontière entre protecteurs et destructeurs s’efface, semant la confusion parmi les populations et exacerbant la violence.Traditionnellement considérés comme des gardiens impartiaux, les écogardes sont désormais pris dans le feu croisé des factions en lutte. En haute altitude, à Lubimbe, des enlèvements et des attaques répétées ont sapé le moral et dispersé les équipes. En zones basses, les menaces constantes ont forcé un retrait tactique vers des secteurs plus sûrs, laissant des zones entières livrées à elles-mêmes.

« L’écogarde est devenu une cible, non un protecteur. On est perçus comme des ennemis par toutes les parties », témoigne un vétéran des patrouilles. La démoralisation est palpable, tout comme le sentiment d’abandon.Privé de surveillance, le parc est livré à une exploitation anarchique : braconnage intensifié, exploitation minière illégale, déforestation pour le charbon de bois et le sciage, empiètement humain. Pire encore, la récente libération massive de détenus spécialisés dans les délits environnementaux a alimenté ce chaos. Mieux armés et sans craindre la justice, ils exacerbent la pression sur un parc déjà au bord du gouffre.

La fragilité de la biodiversité locale, notamment la population de gorilles, est désormais extrême. « Si rien n’est fait rapidement, nous risquons d’assister à une perte irréversible du patrimoine naturel, ce qui serait une tragédie mondiale », alerte un expert en conservation affilié à l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature).Dans ce contexte, la reconnaissance officielle du statut de neutralité des écogardes, protégés même en période de conflit, apparaît comme un levier vital. Ce principe fondamental garantirait à ces gardiens la possibilité d’exercer leur mission sans être pris pour cibles.

Les autorités congolaises, soutenues par les organisations internationales, doivent impérativement renforcer la sécurité et le soutien aux équipes sur le terrain. Il en va non seulement de la survie d’un écosystème exceptionnel, mais aussi d’une responsabilité collective envers les générations futures.Le parc national de Kahuzi-Biega est aujourd’hui un terrain où s’affrontent des forces qui ignorent la fragilité d’un équilibre naturel millénaire. La guerre armée ne détruit pas seulement des vies humaines, elle menace aussi la vie sauvage et l’héritage naturel de l’humanité. Seule une action concertée, rapide et respectueuse des droits des écogardes, pourra inverser cette tendance dramatique.

Par kilalopress

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