Bunia, 18 juin 2025 – Dans une province longtemps marquée par des coupures chroniques et un accès précaire à l’électricité, la centrale hydroélectrique de Budana signe son retour en force. Un projet de modernisation au croisement des défis techniques et des espoirs collectifs, qui replace l’Ituri sur la carte des régions résilientes et ambitieuses. Plongée dans les entrailles d’un chantier de lumière.
À 30 kilomètres au nord de Bunia, nichée dans un paysage de collines verdoyantes, la centrale hydroélectrique de Budana semble sortie d’un autre temps. Construite dans les années 1930 sous l’ère coloniale, elle a porté à bout de turbine la croissance d’une capitale régionale qui, avec le temps, avait fini par la dépasser. L’installation, épuisée par les décennies, plafonnait à 3,5 mégawatts – un souffle à peine suffisant pour alimenter quelques quartiers de Bunia.
Mais ce 17 juin 2025, les choses ont changé. La remise en service d’une deuxième turbine, modernisée par l’entreprise Greentech Energy en partenariat avec la société minière Kilo-Moto, fait passer la capacité de production à 7 MW. Un doublement qui change la donne dans une région où chaque kilowatt compte.L’opération n’était pas anodine. Il ne s’agissait pas simplement de redémarrer une machine, mais de réadapter une infrastructure des années 40 aux normes technologiques et écologiques du XXIe siècle. Une gageure relevée avec brio par les équipes de Greentech Energy.
La turbine modernisée, initialement limitée à 1,2 MW, a subi un lifting intégral : remplacement des rotors, recalibrage des systèmes hydrauliques, digitalisation des contrôles de flux, et surtout, intégration de dispositifs de régulation écoénergétique. Le résultat ? Une production stable, un rendement optimisé et une réduction des pertes techniques.
« Ce que nous voulons offrir, c’est une énergie constante, propre et accessible. Ce projet n’est qu’une étape vers une autonomie énergétique locale », explique Dieudonné Mulimilwa, ingénieur en chef du projet, les bottes encore pleines de boue rouge du chantier.Mais au-delà des chiffres et de la technique, ce que cette relance incarne, c’est un changement de paradigme pour l’Ituri. Dans les rues de Bunia, où les groupes électrogènes faisaient office de bruit de fond permanent, les commerçants, artisans et habitants rêvent d’un quotidien plus calme, plus sûr, moins coûteux.
Lucien Muliri, opérateur économique dans le secteur du froid alimentaire, témoigne :
« Avec une électricité fiable, je peux conserver mes produits plus longtemps, réduire mes pertes et embaucher. C’est tout un cercle vertueux qui se met en place. »

Dans les hôpitaux, la réfrigération des vaccins et le fonctionnement continu des équipements vitaux ne dépendront plus des caprices du carburant. Dans les écoles, les élèves étudieront à la lumière, et non plus à la flamme vacillante d’une bougie.La stratégie mise en œuvre à Budana pourrait servir de modèle à d’autres provinces congolaises et au-delà. Dans un contexte où la transition énergétique est souvent freinée par l’investissement initial ou la complexité logistique, l’initiative démontre qu’avec des partenariats publics-privés ciblés et un engagement politique clair, la réhabilitation des infrastructures existantes peut être une alternative viable à des projets pharaoniques.
« L’hydroélectricité, c’est notre or vert. C’est une ressource durable, locale et neutre en carbone. Budana prouve que nous n’avons pas besoin d’attendre l’international pour faire bouger les lignes », affirme un conseiller technique du ministère provincial de l’énergie.Budana n’est pas qu’un projet énergétique. C’est un acte de foi envers une province souvent oubliée, mais aujourd’hui décidée à écrire son propre récit de progrès. Le courant électrique qui traverse désormais ses câbles, ce sont aussi des flux d’opportunités, de stabilité et de dignité retrouvée.
L’Ituri ne se contente plus de survivre dans l’ombre. Grâce à une turbine et à la vision de quelques pionniers, elle s’éclaire, se relève, et se projette enfin vers un avenir plus juste et plus lumineux.
Par Cedric MUTEYA