Le Sud-Kivu est une nouvelle fois secoué par un scandale environnemental qui met en lumière la gestion controversée des ressources naturelles et des espèces protégées en République Démocratique du Congo (RDC). Cette fois-ci, ce sont 12 chimpanzés, récupérés auprès de braconniers et réhabilités au Centre de réhabilitation des primates de Lwiro (CRPL), qui sont au cœur d’une controverse croissante. La société civile locale accuse l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) d’avoir cédé à des pressions exercées par des autorités de Kinshasa pour transférer ces primates vers la capitale, avec des intentions douteuses, notamment la vente à des firmes étrangères.
Le 7 janvier dernier, un ordre de mission signé par Milan Ngangay, directeur général de l’ICCN, a autorisé le transfert de ces 12 chimpanzés vers le jardin zoologique de Kinshasa. Ces primates avaient été secourus dans la région et réhabilités pour être réintroduits dans leur habitat naturel. Cependant, ce transfert suscite un véritable tollé parmi les organisations de la société civile du Sud-Kivu, qui accusent l’ICCN de faciliter un trafic illicite de faune sauvage.
Dans un communiqué daté du 14 janvier, cinq organisations de défense de l’environnement ont dénoncé ce qu’elles considèrent comme une tentative de vendre les chimpanzés à des firmes étrangères, au mépris des engagements internationaux de la RDC, notamment la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Ces organisations estiment que ce type de transaction risque de nuire gravement à l’image du pays et d’aggraver la situation de la faune sauvage déjà vulnérable.
Les accusations vont au-delà de ce seul incident. Les organisations en question pointent du doigt une gestion défaillante des ressources naturelles et des aires protégées en RDC. Selon elles, l’ICCN, en tant qu’institution technique en charge de la conservation de la faune, manque cruellement de volonté et d’indépendance face aux pressions politiques et économiques.
« La gouvernance actuelle est marquée par la corruption, la mauvaise gestion et un trafic d’influence omniprésent. L’ICCN semble sous l’emprise de certaines autorités qui privilégient des intérêts personnels au détriment de la protection des ressources naturelles du pays », peut-on lire dans le communiqué des organisations, qui dénoncent également la centralisation des décisions à Kinshasa, sans consultation des parties prenantes locales.
Ces accusations sont d’autant plus graves que le Sud-Kivu, une province déjà en proie à de nombreuses tensions sociales et économiques, est témoin d’une exploitation minière incontrôlée, en particulier par des entreprises chinoises. La population locale, déjà frustrée par cette situation, risque de voir dans le transfert des chimpanzés un nouvel affront, renforçant le sentiment de négligence et de marginalisation.
Face à cette situation, la société civile du Sud-Kivu exige l’arrêt immédiat du transfert des chimpanzés. Elle appelle les autorités à respecter les engagements internationaux de la RDC en matière de conservation de la faune et à garantir une gestion transparente et responsable des ressources naturelles. « Nous ne pouvons pas permettre qu’un acte aussi grave se produise. Ces chimpanzés font partie d’une espèce en danger et leur transfert à Kinshasa, pour des raisons obscures, pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la biodiversité du pays », déclarent les cinq organisations. Cette affaire met en lumière la nécessité urgente d’une réforme du secteur de la conservation en RDC, afin de garantir que les ressources naturelles et les espèces menacées soient protégées de manière efficace et dans le respect des normes internationales. Elle soulève également la question plus large de la gouvernance en RDC, où la centralisation des décisions à Kinshasa, loin des réalités locales, semble compromettre les efforts de conservation et de développement durable. Le Sud-Kivu vit une période de tensions sociales et environnementales accrues. Les accusations portées par la société civile sur le transfert des chimpanzés révèlent non seulement des pratiques douteuses au sein de l’ICCN, mais aussi une gestion qui semble ignorer les besoins et les préoccupations locales. La RDC doit faire face à un dilemme crucial : protéger sa biodiversité ou sacrifier ses richesses naturelles au profit d’intérêts étrangers et de profits à court terme.
Par kilalopress