Sous le poids des minerais : la vulnérabilité des communautés congolaises face aux guerres minières
La République Démocratique du Congo (RDC), richement dotée en ressources naturelles, se trouve au cœur d’un paradoxe tragique : ses abondantes réserves minières, notamment les minerais dits « 3T » (tantale, tungstène et étain), sont devenues des instruments de guerre, alimentant des conflits armés et exacerbant la souffrance des populations locales. L’accord de paix en gestation entre la RDC et le Rwanda, centré sur une coopération économique incluant les minerais, soulève des inquiétudes quant à la souveraineté nationale et à la protection des communautés vulnérables. Dans l’est de la RDC, des régions comme Rubaya et Kalehe sont riches en minerais stratégiques. Cependant, ces ressources sont exploitées illégalement par des groupes armés tels que le M23, soutenu par le Rwanda. Ces groupes prélèvent des taxes sur les mineurs artisanaux et contrôlent les routes commerciales, générant des revenus substantiels qui financent les conflits. Par exemple, le M23 exporte environ 120 tonnes de coltan par mois, générant des revenus estimés à 800 000 dollars mensuels.
Cette exploitation illicite prive l’État congolais de recettes fiscales et expose les communautés locales à des violences, des déplacements forcés et des violations des droits humains. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables, souvent victimes de violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. L’accord de paix envisagé entre la RDC et le Rwanda, soutenu par les États-Unis, propose une coopération économique axée sur les minerais 3T. Cependant, des intellectuels congolais, dont le Prix Nobel de la paix Dr Denis Mukwege, mettent en garde contre un risque de « bradage » des ressources naturelles du pays. Ils soulignent l’absence de transparence et de contrôle sur les gisements miniers, ce qui pourrait favoriser des transactions désavantageuses pour la RDC.
La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba, a insisté sur la nécessité d’une séquence rigoureuse : « sécurité d’abord, confiance ensuite, et coopération en dernier ressort ». Cependant, les signataires de la lettre ouverte estiment que cette approche ne suffit pas et appellent à une gouvernance minière plus transparente et inclusive. Pour protéger les communautés et assurer une exploitation durable des ressources, il est impératif de renforcer la gouvernance minière en RDC. Cela inclut la mise en place de mécanismes de traçabilité efficaces, la lutte contre l’exploitation illégale et la corruption, ainsi que la participation des communautés locales dans la gestion des ressources. Des initiatives telles que l’ITSCI, visant à certifier l’origine des minerais, ont montré leurs limites face à la fraude et à l’impunité.
De plus, il est essentiel d’intégrer la justice transitionnelle dans les efforts de paix, en reconnaissant les souffrances des victimes et en garantissant leur droit à la réparation. Une paix durable ne peut être construite sur l’exploitation des ressources au détriment des populations locales.
L’accord avec le Rwanda, centré sur les minerais, offre des opportunités économiques, mais comporte également des risques pour la souveraineté nationale et la sécurité des communautés. Il est crucial que les autorités congolaises, en collaboration avec les acteurs internationaux, mettent en place une gouvernance minière responsable, transparente et inclusive, afin de transformer la richesse minière en un moteur de développement durable et de paix pour le pays. La vulnérabilité des communautés congolaises face aux guerres minières ne doit pas être ignorée. Il est impératif de placer les droits humains et la dignité des populations au cœur des négociations et des politiques minières.
Par Franck zongwe lukama