L’approbation d’un prêt historique par la Banque mondiale pour lancer la première phase du projet Inga 3 suscite espoirs et méfiances. Les organisations de la société civile demandent des garanties fermes de transparence et d’inclusion.
KINSHASA, 18 juin 2025 – Une pluie d’argent s’annonce sur le Kongo Central, et avec elle, une tempête de questions. Le 3 juin dernier, le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a approuvé un crédit de 250 millions de dollars, financé par l’Association internationale de développement (IDA), pour initier la première phase du développement du mégaprojet Inga 3. Ce financement constitue la première tranche d’un programme global estimé à 1 milliard de dollars.
Objectif affiché : améliorer les conditions de vie de plus de 1,2 million de personnes vivant à proximité du site d’Inga, à travers des investissements dans les services de base, les infrastructures et l’emploi. Mais derrière cette annonce, un autre son de cloche s’élève : celui de la société civile congolaise.La première phase du projet, selon la Banque mondiale, doit permettre de lancer des actions de développement local concrètes dans le Kongo Central. Distribution d’eau potable, électrification à partir d’énergies renouvelables, entretien de routes rurales : des priorités identifiées par les communautés elles-mêmes, affirme-t-on.
Une vision saluée « en théorie » par les organisations de la société civile travaillant sur le suivi du projet Grand Inga. « Cette initiative met en exergue le besoin de travailler pour un développement communautaire », peut-on lire dans la Déclaration de la société civile sur le financement du programme de développement d’Inga 3, publiée ce 18 juin à Kinshasa.L’enthousiasme est tempéré, pour ne pas dire glacé, par des inquiétudes majeures : consultation des communautés locales, sélection des projets, gouvernance des fonds, mécanismes de contrôle, lenteurs administratives… Autant de zones d’ombre qui ravivent le spectre des échecs passés en matière de gestion des grands projets publics en RDC. Les organisations signataires de la déclaration s’interrogent :
- Quelles communautés ont réellement été consultées dans les territoires de Seke Banza, Lukula, Tshela, Luozi et Songololo ?
- Les projets retenus correspondent-ils véritablement aux besoins exprimés localement ?
- Où sont les critères de sélection ?
- Quel cadre de gouvernance est prévu pour encadrer les 100 000 dollars déjà annoncés pour certains projets ?
Pire encore, elles redoutent que cette première phase ne serve qu’à « acheter la conscience des communautés », pour mieux leur faire accepter à l’aveuglette la phase suivante, celle du gigantesque barrage Inga 3.La société civile met en garde : sans publication des conventions de financement, sans plans d’exécution clairs, sans organe de contrôle indépendant, « ce financement risque de devenir un nouvel outil d’enrichissement illicite au détriment du peuple congolais ». Elle réclame, entre autres :
- Une transparence totale, incluant la publication immédiate des documents clés.
- Une participation inclusive, avec une place réelle pour les ONG locales, les chefs coutumiers et les communautés dans toutes les étapes du projet.
- Un mécanisme anti-corruption, via un observatoire indépendant composé de membres de la société civile et de partenaires techniques.
Autre point d’alerte : la coordination avec les programmes de développement déjà en cours, tels que le PNSD (Plan National Stratégique de Développement) ou le PDL-145T. « Nous demandons des éclaircissements sur la manière dont ce budget sera harmonisé avec les efforts en cours », insistent les signataires. Inga 3 n’est pas qu’un projet énergétique. Il est un test de la capacité de la RDC à gérer équitablement des financements à fort impact, sous le regard d’une société civile désormais aguerrie. « Nous resterons vigilants et mobilisés », conclut le communiqué, « pour que ce financement ne serve pas à enrichir une minorité, mais à transformer durablement la vie de millions de Congolais ».
Par Franck zongwe lukama