Kinshasa, 4 novembre 2025- Sous une pluie battante de ce lundi matin, la capitale a encore une fois révélé l’une de ses plaies les plus profondes : celle d’une ville qui se noie à chaque averse, pendant que les millions de dollars alloués à l’assainissement semblent disparaître dans les égouts invisibles de la corruption.
La scène, captée en plein cœur de Kinshasa, devant l’Assemblée nationale et le Centre culturel, est d’une puissance symbolique dérangeante : trois hommes pataugent dans une mare d’eau boueuse transformée en lac urbain. L’un d’eux, reconnaissable à son talkie-walkie Motorola, est un agent de l’État. Faute d’alternative, il accepte de payer sa traversée sur une embarcation artisanale construite à partir de bouteilles plastiques ramasées a l’occasion – une invention de fortune imaginée par de jeunes opportunistes du désespoir.
Tout autour, la capitale chancelle. Une vendeuse ambulante, portant sa bassine sur la tête, tente de se hisser sur le mur du centre culturel de kinshasa pour éviter de se faire emporter et ses marchandises par les eaux. Cette image, à la fois tragique et héroïque, dit tout de la résilience d’un peuple abandonné à la merci des intempéries et du mépris institutionnel. Comment expliquer qu’au pied même du Parlement, symbole du pouvoir et de la souveraineté nationale, les citoyens en soient réduits à naviguer sur des radeaux de déchets ? Comment justifier que, malgré des programmes d’assainissement financés à coups de millions de dollars, la capitale reste un marécage dès que la pluie tombe ?

Chaque année, les projets se multiplient, les réunions s’enchaînent, les banderoles s’affichent… mais la salubrité, elle, recule. Les eaux usées emportent les ordures, les enfants tombent malades, et la dignité des habitants se dissout dans les flaques d’une gouvernance impuissante. Pendant que les autorités roulent en véhicules climatisés, leurs propres agents, ceux-là mêmes censés appliquer la politique publique, doivent payer des jeunes pour les transporter à dos de plastique à travers les flaques géantes de la capitale. C’est l’État traversant sur les déchets de son propre échec.
Cette photo prise par les internautes a kinshasa ne montre pas seulement une inondation : elle révèle une injustice structurelle. Elle raconte l’histoire d’une ville qui fabrique des inégalités jusque dans ses flaques d’eau, où l’improvisation remplace la planification, et où la débrouille devient politique publique. Il est temps que ceux qui gèrent Kinshasa sortent de leurs bureaux climatisés pour marcher, ne serait-ce qu’une heure, dans les rues après la pluie. Peut-être comprendront-ils enfin ce que vivent ces femmes, ces hommes, et ces jeunes qui, dans la boue, inventent chaque jour les solutions qu’on leur refuse.
Par kilalopress