Un collectif d’organisations congolaises a déposé plainte au Texas contre une entreprise américaine accusée d’avoir obtenu, dans des conditions opaques, la concession du méthane du lac Kivu. Les plaignants dénoncent un processus d’attribution illégal et alertent sur le risque d’explosion catastrophique susceptible d’exposer des millions d’habitants vivant sur les rives du lac à des gaz mortels.
Derrière cette affaire, c’est toute la gestion opaque et dangereuse des ressources naturelles de la RDC qui refait surface. Et cette fois, l’enjeu dépasse les frontières : plus de deux millions de vies humaines sont menacées si la catastrophe annoncée venait à se produire. Le gouvernement congolais avait promis en 2022 une “nouvelle ère de transparence” dans l’attribution des blocs pétroliers et gaziers. Pourtant, dans le secret des bureaux du ministère des Hydrocarbures, des concessions de plusieurs milliards de dollars ont été offertes à des sociétés quasi inexistantes sur la scène énergétique mondiale.
C’est ainsi que Winds Exploration, une entreprise texane aux antécédents troubles, a décroché un des blocs de méthane les plus sensibles du lac Kivu.
Problème : cette société avait perdu son statut légal au Texas pour manquements fiscaux, n’a jamais mené de projet d’envergure, et a même été impliquée dans des fuites de gaz et des explosions dans l’Utah.
Une compagnie dormant à moitié, soudainement réveillée pour un projet potentiellement mortel. Sous les eaux paisibles du lac Kivu se cache l’un des mélanges les plus explosifs au monde : du méthane et du dioxyde de carbone dissous dans des couches profondes. Mal exploité, ce cocktail peut provoquer une éruption limnique — une libération brutale de gaz toxiques qui étoufferait instantanément des milliers de personnes.
Ce n’est pas de la science-fiction : deux drames similaires ont déjà frappé le Cameroun dans les années 1980. Mais le lac Kivu contient mille fois plus de gaz.
Attribuer son exploitation à une société sans expérience, c’est confier un détonateur nucléaire à un pyromane. Les révélations sur Winds ne s’arrêtent pas là. Des plaintes aux États-Unis dénoncent des redevances impayées, des puits mal gérés, et une direction plus préoccupée par les profits rapides que par la sécurité ou l’éthique.
Malgré tout cela, le gouvernement congolais n’a jamais annulé la concession. Pourquoi ? Les ONG parlent d’ingérence politique, de pressions internes et de corruption organisée.
“Le processus a été biaisé du début à la fin”, affirme Olivier Bahemuke, président de l’ACEDH. “On joue avec le feu, au sens propre du terme.”
Sollicité par la presse internationale, le ministère congolais des Hydrocarbures n’a donné aucune réponse. Silence radio également du côté de l’entreprise Winds, dont le PDG, Franklin Ihekwoaba, se contente de parler de “malentendus administratifs” sur les impôts du Texas.
Mais une question demeure : comment une société radiée de ses registres fiscaux a-t-elle pu obtenir un contrat d’exploitation d’une ressource aussi stratégique et dangereuse ?
Où étaient les experts, les garde-fous, les études d’impact ? Ce scandale dépasse le simple cas Winds. Il illustre le syndrome congolais de la richesse maudite : des ressources naturelles immenses confiées à des intérêts douteux, dans un silence d’État complice, au mépris de la sécurité et de l’environnement.
Pendant que Kinshasa signe des contrats dans l’ombre, le lac Kivu continue de bouillir, silencieusement, sous les pieds de millions d’Africains.
Et si rien n’est fait, ce n’est plus seulement un scandale politique qui éclatera — mais peut-être le plus grand désastre écologique et humain de l’histoire du continent. Les ONG congolaises réclament justice et transparence. Mais dans un pays où la vérité dérange souvent plus que la corruption, leur combat s’annonce difficile. Car au fond, la véritable question n’est plus “qui a signé ?”
Mais plutôt : “combien de vies faudra-t-il perdre pour que la RDC apprenne à protéger ses propres richesses ?”
Par kilalopress