Lors de la 10ᵉ édition du Forum Makutano, le ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a livré une vision ambitieuse de la République Démocratique du Congo (RDC) comme un acteur incontournable de l’industrie pétrolière et gazière en Afrique. Selon lui, les réformes en cours visent à attirer les investisseurs et à maximiser les retombées économiques d’un secteur clé. Pourtant, au-delà des promesses et des réformes annoncées, le ministre semble fermer les yeux sur une réalité bien moins brillante et bien plus inquiétante pour l’avenir du pays.
Le ministre Molendo a défendu l’annulation des appels d’offres pour 27 blocs pétroliers en invoquant des préoccupations de transparence et d’efficacité. Mais à y regarder de plus près, cette décision semble moins être le fruit d’une volonté de réformer le secteur que le résultat d’un échec flagrant à attirer des investisseurs. Les appels d’offres précédents n’ont en effet pas suscité l’engouement espéré, révélant le manque d’intérêt des acteurs internationaux pour un marché congolais perçu comme incertain et risqué.
Plutôt que de se concentrer sur des réformes internes véritablement structurantes, le ministre a opté pour une solution de façade : annoncer une nouvelle série d’appels d’offres restreints, censés cibler des entreprises “ayant des capacités techniques et financières reconnues”. Mais n’est-ce pas là un aveu que le secteur congolais manque cruellement de transparence et de compétitivité pour attirer les plus grands acteurs du marché ? Si les investisseurs ne se bousculent pas pour entrer en RDC, c’est peut-être qu’il est illusoire de penser que l’État congolais peut offrir des conditions de stabilité et de rentabilité à long terme.
Le ministre Molendo, dans sa vision du secteur des hydrocarbures, semble avoir ignoré un aspect fondamental : les droits des communautés locales. Dans un pays où l’exploitation des ressources naturelles est souvent synonyme de conflits et de dégradation des conditions de vie des populations, l’absence d’implication sérieuse des communautés dans la gestion du secteur pétrolier pose un problème éthique et social majeur. Les consultations sur les projets pétroliers sont souvent superficielles, voire inexistantes, ce qui engendre des résistances et des conflits à l’échelle locale. Le ministre, tout comme l’État congolais, semble peu enclin à garantir que les populations impactées bénéficieront réellement des retombées économiques, pourtant cruciales pour la cohésion sociale et la stabilité régionale.
La promesse d’une RDC comme grande puissance pétrolière semble également totalement déconnectée de la réalité du terrain. Aucun investisseur sérieux ne viendra en RDC sans infrastructures adéquates pour supporter l’exploitation, la production et la commercialisation des hydrocarbures. Le pays souffre d’un manque criant d’infrastructures, que ce soit pour le transport, le stockage, ou la distribution des produits pétroliers. La RDC, avec sa géographie complexe et ses infrastructures vétustes, n’offre tout simplement pas un environnement propice à la rentabilité des investissements dans le secteur pétrolier.
De plus, l’État congolais, avec ses antécédents en matière de gestion des contrats miniers et pétroliers, n’est guère en position de fournir des garanties crédibles aux investisseurs étrangers. La transparence et l’intégrité des processus d’attribution des blocs restent des questions non résolues, et la promesse d’un cadre juridique et fiscal plus favorable pour les investisseurs semble bien éloignée des réalités pratiques sur le terrain. Les investisseurs sont avant tout à la recherche de stabilité, et non de promesses vides de sens.
Face à cette vision pétrolière du ministre, des voix s’élèvent au sein de la société civile et des écologistes pour s’opposer à l’expansion de l’industrie pétrolière en RDC. La campagne “Notre Terre Sans Pétrole”, lancée récemment par la Coalition des Organisations de la Société Civile pour l’Accès aux Ressources et aux Services Publics (CORAP), appelle à l’abandon définitif de tout projet d’exploitation des hydrocarbures. La campagne dénonce non seulement l’irréversibilité des dégâts environnementaux liés à l’exploitation pétrolière, mais aussi les irrégularités dans le processus d’attribution des blocs, notamment l’absence de validation par le Conseil des Ministres pour plusieurs blocs et la violation de la législation environnementale en vigueur.
La campagne “Notre Terre Sans Pétrole” le jour de son lancement a souligné que “des manquements qui mettent en danger la vie des populations locales et l’économie du pays” ont été observés, notamment en ce qui concerne l’impact environnemental et social des projets. Au lieu de répondre à ces préoccupations légitimes, le ministre semble minimiser ces dangers, privilégiant des considérations économiques à court terme sur la protection des populations et de l’environnement.
En défendant le modèle pétrolier comme levier du développement économique de la RDC, le ministre Molendo semble ignorer les alertes du monde entier sur les conséquences d’une telle dépendance. L’industrie pétrolière, loin d’être un gage de prospérité durable, pourrait au contraire plonger le pays dans une instabilité chronique, exacerbée par des conflits locaux et des crises environnementales. La promesse d’un “développement durable” grâce aux hydrocarbures apparaît ainsi comme un mensonge, car aucune économie ne peut se baser sur une ressource non renouvelable sans mettre en péril son avenir à long terme.

Le gouvernement de la RDC, dans sa quête pour devenir une puissance pétrolière, semble se fourvoyer dans une vision à court terme, aveuglée par la promesse de bénéfices immédiats. Pourtant, le véritable développement durable passe par la diversification économique selon un observateur contacter par kilalopress, l’investissement dans les énergies renouvelables et la gestion responsable des ressources naturelles. Loin d’être un modèle à suivre, le chemin tracé par le ministre Sakombi Molendo semble se résumer à un mirage : un retour à un passé extractif qui risque de condamner l’avenir de la RDC et de ses populations.
La RDC a un potentiel immense, c’est indéniable. Mais ce potentiel ne réside pas uniquement dans son sous-sol, il réside aussi dans ses hommes et ses femmes, dans sa capacité à s’engager vers un avenir plus vert, plus juste et plus prospère. Ignorer les risques environnementaux et sociaux, ignorer les droits des communautés, et s’engager dans un projet pétrolier sans infrastructure ni garanties solides, n’est pas seulement un pari risqué, c’est un chemin potentiellement dangereux pour l’avenir du pays. Les solutions proposées par le ministre Molendo ne sont pas sans fondement, mais elles sont clairement insuffisantes. Il est urgent de repenser la stratégie énergétique de la RDC en tenant compte des enjeux globaux de la transition énergétique. Sinon, la RDC pourrait bien se retrouver dans quelques années, épuisée par une extraction insoutenable, sans les bénéfices promis et sans une véritable vision pour son avenir économique.
Par Kilalopress