Dans un climat tendu, la division urbaine des affaires foncières de Kinshasa a pris la décision de se mettre en grève depuis ce lundi 10 mars 2025, afin de protester contre l’arrêté impopulaire de la ministre des Affaires foncières, Acacia Bandubola. Cette mesure, qui interdit le morcellement des parcelles dans la commune de la Gombe, a jeté de l’huile sur le feu d’une situation déjà explosive dans la capitale congolaise.
Mais au-delà du simple refus de cette interdiction, les revendications des agents semblent beaucoup plus larges. Le syndicat, emmené par Serge Kabamba, dénonce un véritable mépris des autorités à l’égard des agents fonciers et des citoyens. Leurs griefs sont multiples : des primes spécifiques non versées, des unités administratives laissées en souffrance et, surtout, l’inefficacité criante de l’Inspection générale des finances (IGF), accusée de détourner des fonds sans jamais apporter de réponses concrètes. Mais est-ce vraiment cette mesure sur le morcellement qui est au cœur de cette mobilisation, ou une volonté plus large de remettre en question un système qui semble s’embourber dans une bureaucratie déconnectée de la réalité?
Acacia Bandubola défend sa position, affirmant que cette interdiction vise à préserver la qualité de vie des habitants de Gombe. La ministre considère que le morcellement des parcelles a des effets dévastateurs : de l’insécurité accrue à la dégradation des infrastructures urbaines. À l’heure où la RDC peine déjà à répondre à ses enjeux d’urbanisation, on pourrait être tenté de croire que l’intention de Bandubola est louable. Mais en réalité, cette approche dogmatique ne fait qu’aggraver une situation déjà tendue. En interdisant le morcellement, Bandubola s’attaque à une pratique qui est profondément enracinée dans les habitudes de la population. La réforme foncière, qu’elle prétend mettre en œuvre, semble faire fi des réalités sociales et économiques de Kinshasa. Si la ministre croit réellement que cette décision mettra fin aux problèmes de l’urbanisation chaotique, elle se fait des illusions. Le morcellement, bien qu’il présente des risques, a aussi permis à de nombreuses familles d’accéder à un petit bout de terre, un bien précieux dans une ville où la majorité des citoyens se battent pour survivre.
L’interdiction du morcellement à Gombe révèle un manque total de compréhension des réalités de l’urbanisme à Kinshasa. C’est une ville en pleine explosion démographique, avec des infrastructures qui peinent à suivre le rythme des constructions. Les problèmes d’eau, d’électricité et de sécurité ne sont pas le résultat des petites parcelles, mais d’un manque cruel d’investissements dans les infrastructures publiques et une gestion désastreuse des ressources de la ville. Les autorités, au lieu de tenter de contrôler l’expansion urbaine par des mesures autoritaires et déconnectées des besoins des citoyens, devraient plutôt concentrer leurs efforts sur l’amélioration des services publics, la régularisation des terrains et la planification d’une véritable politique urbaine.
En imposant un moratoire sur le morcellement, Bandubola ne fait que déplacer le problème sous le tapis. Les familles continueront de morceler leurs terres, mais cette fois dans l’illégalité, sans garanties ni protection. L’argument de la “protection esthétique” de la ville semble même ridicule dans un contexte où la majorité des infrastructures manquent de sérieux et d’entretien. Pourquoi, dans une ville où le chaos urbain est omniprésent, un peu plus de parcelles morcelées serait-il la cause de tous les maux? La grève des agents fonciers, loin d’être une simple réaction à une mesure locale, est un signal d’alarme face à l’inefficacité d’un gouvernement qui semble plus préoccupé par des réformes sans fondement que par les besoins réels de la population. Le sit-in organisé par ces agents n’est que le reflet d’un malaise plus profond au sein des institutions publiques de la RDC. Le gouvernement, qui semble encore croire qu’il peut imposer des décisions unilatérales sans concertation ni dialogue, se condamne à nourrir une contestation populaire croissante.
La ministre Bandubola devrait entendre ces voix qui montent contre elle et réévaluer son approche. Ce n’est pas en imposant des interdictions arbitraires qu’on résoudra les problèmes de la capitale, mais en réformant en profondeur le secteur foncier, en modernisant la gestion urbaine et en assurant une meilleure répartition des ressources. Si la ministre persiste dans sa démarche autoritaire, elle risque de perdre tout crédit auprès des citoyens et des fonctionnaires qu’elle devrait pourtant protéger.
Par kilalopress