C’est à Kinshasa que s’est ouvert ce lundi 19 mai 2025 cet atelier national un peu particulier. Loin des grands discours institutionnels et des déclarations creuses, l’événement avait pour ambition de mettre sur la table une question cruciale : comment la République Démocratique du Congo, deuxième poumon vert de la planète après le Brésil, peut-elle tirer parti d’un nouveau mécanisme international de financement pour préserver ses forêts ? Ce mécanisme porte un nom : le Tropical Forests Forever Facility, ou TFFF.
Imaginé comme un outil financier ambitieux pour soutenir les pays forestiers tropicaux, le TFFF pourrait transformer la manière dont la lutte contre la déforestation est financée à l’échelle mondiale. L’idée, en apparence simple, repose sur un principe fort : récompenser les pays qui protègent effectivement leurs forêts naturelles. Un fonds d’investissement sera mis en place, capitalisé par des sources diverses — gouvernements, philanthropes, fonds souverains, investisseurs institutionnels — avec l’objectif de générer des rendements positifs. Ces rendements seraient ensuite redistribués chaque année aux pays bénéficiaires, proportionnellement à la superficie de forêts tropicales préservée. Le TFFF ne remplace pas les mécanismes déjà existants comme la REDD+ ou les marchés carbone, mais s’y ajoute, comme une couche de plus à l’édifice de la protection climatique.

L’atelier de Kinshasa, organisé par le Ministère de l’Environnement et Développement Durable, avec l’appui du WWF et en collaboration avec le gouvernement brésilien et le Programme des Nations Unies pour le Développement, avait pour but de faire connaître cette initiative et de permettre aux parties prenantes congolaises de se l’approprier. C’est un moment stratégique : la RDC a été impliquée dès les premières étapes de la conception du TFFF, aux côtés du Brésil et d’autres nations forestières des trois grands bassins tropicaux. Et dans quelques mois, en juillet 2025, une version actualisée – la note conceptuelle 3.0 – devra être validée avant sa présentation officielle à la COP30, prévue à Belém, au Brésil.
Pendant plusieurs heures, les représentants du gouvernement, des ONG locales, des communautés autochtones, des experts techniques et des membres de la société civile ont échangé autour des enjeux de cette initiative. L’objectif était clair : faire en sorte que personne ne soit laissé de côté. Car au-delà des schémas de financement et des notes techniques, le succès du TFFF dépendra de l’adhésion concrète des acteurs de terrain. Ceux qui vivent dans ou autour des forêts. Ceux qui les défendent, parfois au prix de leur sécurité ou de leur survie. « Ce fonds peut nous aider, mais seulement si nous sommes réellement associés à sa mise en œuvre », glissait à demi-voix une représentante d’une organisation communautaire venue du Kasaï.
Le ton était volontairement pragmatique. Informer, expliquer, débattre, recueillir les engagements, puis bâtir un plan d’action clair. Voilà l’ossature de l’atelier. Plusieurs points de sortie étaient attendus : d’abord, une meilleure compréhension du mécanisme TFFF par les parties prenantes congolaises ; ensuite, un engagement renouvelé du gouvernement à porter cette initiative à l’international ; enfin, un document de synthèse, sorte de feuille de route pour accompagner le processus de déploiement du TFFF en RDC. Le tout sera couronné par un communiqué final qui reflètera l’esprit de coopération et de responsabilité partagée.
Cette mobilisation intervient dans un contexte mondial où les forêts tropicales sont plus que jamais menacées. Pourtant, elles restent essentielles : elles stockent le carbone, régulent les cycles de l’eau, abritent une biodiversité exceptionnelle et assurent des moyens de subsistance à des millions de personnes. La RDC le sait mieux que quiconque. Et en rejoignant le TFFF, elle veut non seulement protéger cet héritage naturel, mais aussi en faire un levier de développement durable.
Il reste beaucoup à faire. Mais l’atelier de Kinshasa marque une étape. Une mise en mouvement. Et si tout se passe comme prévu, c’est à Belém que l’histoire s’écrira vraiment. Là où les pays forestiers tropicaux feront front commun pour que, cette fois peut-être, les promesses de la finance verte deviennent enfin une réalité tangible pour ceux qui protègent les forêts — non pas depuis des bureaux climatisés, mais depuis le cœur même des arbres.
Par kilalopress