Le 26 juillet 2024, le Réseau Mwangaza a tenu un atelier à Kinshasa pour présenter les résultats d’un diagnostic approfondi du secteur de l’électricité en République Démocratique du Congo (RDC). Les défis auxquels ce secteur est confronté sont énormes et variés. Il serait trop ambitieux de prétendre les relever de manière exhaustive. Cependant, à travers une étude diagnostique, le Réseau Mwangaza a mis en lumière plusieurs défis majeurs.
Les défis qui émaillent le secteur de l’électricité en RDC sont considérables et multidimensionnels. Premièrement, la rareté des données fiables et actualisées empêche de déterminer précisément le potentiel du secteur, les statistiques des consommateurs, et les revenus générés. Deuxièmement, l’insuffisance et les lacunes du cadre légal, ainsi que la méconnaissance des régulations par les services techniques et certains opérateurs, conduisent à une stagnation du secteur. La faible collaboration entre les institutions du secteur, due notamment à l’ignorance des responsabilités respectives, entraîne également une faible transparence et un manque de moyens techniques et financiers. Quatrièmement, la promotion des investissements est entravée non seulement par des budgets limités mais aussi par un régime fiscal non attractif. Enfin, la vétusté et l’absence de maintenance des infrastructures existantes entraînent une baisse continue de la production, et la faible maîtrise de la dynamique de la transition énergétique empêche l’élaboration d’une perspective d’électrification cohérente.
Ce rapport diagnostic, mené par Mwangaza, a reposé sur une méthodologie rigoureuse comprenant une recherche documentaire, des enquêtes de terrain, la collecte de données sur les petites et moyennes entreprises, le prélèvement des débits des cours d’eau, l’inventaire des sites potentiels hydroélectriques et des entretiens. Cette approche holistique a permis de dresser un état des lieux précis du secteur de l’électricité en RDC.
Le premier défi majeur identifié est le manque de données fiables et actualisées. L’absence de ces données empêche une planification adéquate et le développement stratégique du secteur. “Sans données adéquates, il est impossible de planifier et d’exécuter des projets d’envergure,” explique Maître Eric Kasongo, Directeur Exécutif du Centre Congolais pour le Développement Durable (CODED) et Porte-Parole du Réseau Mwangaza.
Le cadre légal en vigueur présente également des lacunes significatives. Les études montrent une méconnaissance des lois régissant le secteur de l’électricité, tant au niveau des services étatiques que des producteurs. Maître Kasongo ajoute : “Il y a une absence de mécanismes formels pour la vulgarisation des textes légaux. Cela crée des incohérences dans la gestion et l’application des réglementations.”

Les défis institutionnels sont également préoccupants. La politisation du secteur, combinée à une faible transparence et à des moyens techniques et financiers insuffisants, nuit à l’efficacité des institutions responsables. “Les institutions du secteur de l’électricité manquent de moyens et sont souvent sujettes à des influences politiques,” déplore Maître Kasongo.
Les infrastructures vieillissantes et les investissements insuffisants posent des obstacles majeurs. De nombreuses installations sont obsolètes et non réhabilitées, ce qui limite leur capacité de production. Damien Tamilanga de l’ANSER souligne : “Il est impératif de rénover les centrales existantes et de renforcer les capacités locales pour répondre à la demande croissante.”
La faible promotion des investissements constitue également un problème. Non seulement les budgets alloués au secteur sont limités, mais le régime fiscal peu attractif décourage les investisseurs internes et externes. De plus, la vétusté et l’absence de maintenance des dispositifs de production, de transport et de distribution entraînent une baisse continue de la production. Le secteur décroît plutôt que de croître. Enfin, la faible maîtrise de la dynamique de la transition énergétique conduit à une absence de perspective d’électrification prenant en compte tous les enjeux liés à cette transition.
Après la présentation du diagnostic, trois panelistes ont partagé leurs perspectives sur les défis supplémentaires et les solutions potentielles :
Monsieur Ali Kitenga, a mis l’accent sur la pauvreté généralisée comme un obstacle majeur au développement énergétique. “Il est inacceptable qu’une grande partie de la population vive dans la pauvreté. Le développement ne peut progresser sans une planification efficace du secteur de l’électricité. Nous devons passer de la planification à l’exécution avec des réformes concrètes,” affirme-t-il.
Le Professeur Ndaye a souligné la nécessité d’une réforme profonde et de la mise en œuvre des lois existantes. “Nous avons des lois depuis des années, mais leur application reste insuffisante. Il est crucial que nous utilisions notre intelligence collective pour transformer les plans en actions efficaces,” explique-t-il.
Damien Tamilanga a également insisté sur l’importance des investissements financiers conséquents. “Nous devons suivre l’exemple du Sénégal en investissant massivement dans le secteur. Le gap entre notre budget et celui de pays comme le Sénégal est trop grand. De plus, il est essentiel de soutenir les entreprises locales pour qu’elles puissent construire de nouvelles centrales,” ajoute-t-il.

Le Rapport diagnostic présenté par le Réseau Mwangaza met en lumière des défis significatifs pour le secteur de l’électricité en RDC, allant du manque de données à des problèmes institutionnels complexes. Cependant, les recommandations des experts offrent des pistes claires pour améliorer la situation. Il est impératif d’adopter une approche intégrée et holistique pour surmonter ces défis. En ce sens, il est essentiel de créer une banque de données fiable sur la demande énergétique provinciale, de mettre en place un système de gestion et de partage des données accessibles en ligne, et d’adopter des lois interdisant la vente des données par les entreprises étatiques à des tiers. Pour le cadre légal, la vulgarisation des textes relatifs au secteur et l’adoption de cadres réglementaires adaptés aux réalités locales sont urgentes. Les institutions doivent être renforcées en termes de moyens techniques et financiers, et une meilleure transparence est nécessaire pour limiter les influences politiques. Les investissements doivent être massifs et les infrastructures existantes rénovées. Enfin, une meilleure maîtrise de la transition énergétique est cruciale pour élaborer une perspective d’électrification durable.
Comme l’a noté Maître Kasongo, “Aucun pays ne peut se développer sans une énergie adéquate. Il est temps que l’énergie soit considérée comme un levier central pour le développement économique du pays.”
Par Franck zongwe Lukama