Fizi – Ce qui s’est passé à Fizi, dans le Sud-Kivu dans le secteur de Ngandja en date du 8 et 9 mai 2025, dépasse de loin ce que des chiffres peuvent raconter. Ce n’est pas seulement 114 morts. C’est 114 vies. Des enfants, des parents, des familles entières emportées dans la nuit, surpris par une rivière en furie alors qu’ils dormaient dans ce qu’ils appelaient leur maison.
Il a suffi de quelques heures de pluie, violente, brutale, comme si le ciel s’était fâché, pour que la rivière Kasaza déborde. Elle a tout emporté : des maisons, des champs, des souvenirs, et cette illusion que, malgré tout, on pouvait vivre tranquillement là-bas, au bord de l’eau. Les autorités locales ont parlé de 30 blessés, mais ce chiffre, comme tant d’autres, ne dit pas tout. Beaucoup n’ont même pas pu se rendre à un centre de santé. Et des dizaines de personnes manquent encore à l’appel. À Fizi, tout a basculé en quelques heures. Des maisons – parfois construites de bric et de broc – se sont littéralement effondrées. Plus de 150 ont disparu ou sont inhabitables. Des familles se retrouvent aujourd’hui sans rien, ou presque. Pas de toit. Pas de vêtements secs. Pas d’eau potable. Des enfants dorment à même le sol, les pieds dans la boue, les yeux encore rouges d’avoir pleuré.
Ce n’est pas une première. Et ce ne sera pas la dernière. La vérité, c’est que les habitants de cette région vivent sur une ligne de faille climatique. Le Sud-Kivu est l’un de ces endroits où la nature, déjà rude, devient chaque année un peu plus imprévisible. Les forêts disparaissent, les collines s’érodent, et la pluie, quand elle tombe, ne prévient plus. Elle ravage. Le territoire de FIZI paie aujourd’hui le prix fort d’un dérèglement climatique que ses habitants n’ont pourtant pas causé. Et le pire, c’est qu’ils ne sont pas les seuls. Kasangulu, Mbanza-Ngungu… Partout en RDC, les inondations se répètent. Et à chaque fois, c’est la même histoire : les secours arrivent tard, les familles se débrouillent comme elles peuvent, et les promesses officielles s’accumulent sans lendemain.
La Première ministre Judith Suminwa dit suivre la situation de près. Des ministres ont été « instruits » pour organiser les secours. Une équipe d’évaluation est sur le terrain. Tout cela est sans doute vrai, mais pendant ce temps, dans le village Kasaza, des femmes cuisinent sous des bâches, des enfants boivent l’eau d’un ruisseau souillé, et les anciens regardent le ciel avec inquiétude. La pluie n’a pas fini de tomber. Ce drame aurait pu être évité. Ou du moins, on aurait pu en limiter l’impact. Car le vrai problème ici, ce n’est pas que la pluie est tombée. C’est que rien n’a été prévu pour que la population puisse y faire face. Pas de digue. Pas d’alerte. Pas de plan d’évacuation. Pas de file d’attente pour l’eau potable. Rien. Et ça, c’est une responsabilité collective.
Les habitants du secteur de Ngandja sont courageux. Ils reconstruisent avec ce qu’ils trouvent. Mais ils ne peuvent pas continuer seuls. Si on ne met pas en place dès maintenant des systèmes d’alerte, des abris sûrs, des politiques locales adaptées au climat, alors la prochaine pluie fera autant – ou pire. Parce qu’en réalité, on ne parle pas de climat, ici. On parle de vies. De visages. De voix. Ce qui s’est passé à Fizi ne doit pas disparaître dans l’oubli des rubriques. Cette tragédie mérite plus qu’un chiffre dans un communiqué. Elle devrait forcer une remise en question profonde de la manière dont on protège – ou plutôt dont on oublie – les communautés rurales face aux catastrophes. Il est temps d’écouter ceux qui vivent là où la terre tremble, là où l’eau monte, là où l’avenir se construit sur la peur du lendemain.
Par kilalopress