RDC : Le Réseau Mwangaza tire la sonnette d’alarme — une réforme énergétique lancée sans cadre légal ni débat au Parlement

Kinshasa – Il y a des décisions qui tombent comme un couperet, sans prévenir, sans consultation, et surtout sans écouter ceux qui, au quotidien, tiennent debout des secteurs aussi vitaux que celui de l’énergie. Ce 12 mai, la rédaction de Kilalopress a reçu un communiqué du Réseau Mwangaza, une voix familière et respectée dans le monde de la société civile environnementale congolaise. Cette fois, c’est un cri du cœur, un appel à la raison, lancé en direction du gouvernement et plus particulièrement du ministre des Ressources Hydrauliques et Électricité.

Le cœur du tumulte : l’ordonnance-loi n°25/025, promulguée en catimini le 5 février 2025, alors que le Parlement était en congé. Ce texte modifie la loi de 2014 encadrant le secteur de l’électricité. Mais loin de susciter l’espoir d’une modernisation attendue, cette réforme sème l’inquiétude, la frustration et, disons-le, une colère froide. Car non seulement elle a été adoptée sans débat parlementaire — ce qui soulève déjà une question constitutionnelle — mais elle a aussi ignoré les propositions de fond des acteurs concernés. Résultat : une réforme à la fois bancale, précipitée, et potentiellement lourde de conséquences.

Dans les couloirs de la société civile, le ton est grave. Les acteurs dénoncent un passage en force. Difficile de ne pas leur donner raison quand on lit la longue liste de points non pris en compte : réduction du pouvoir des provinces à un seuil de 5 MW, création de nouvelles structures administratives sans renforcer celles qui existent déjà, flou juridique sur la transition énergétique, absence d’un cadre incitatif clair pour les investissements en zones marginalisées… Autant de signaux faibles qui, mis bout à bout, dessinent un tableau inquiétant.

Mais ce qui dérange le plus, c’est sans doute l’esprit de cette ordonnance : une réforme d’en haut, technocratique, taillée sur mesure pour répondre aux critères des bailleurs internationaux — notamment ceux de l’initiative « M300 » pour l’électrification de 300 millions d’Africains — mais qui oublie la réalité du terrain congolais. Le Réseau Mwangaza ne le dit pas en ces termes, mais entre les lignes, on comprend que cette réforme ressemble plus à une opération de séduction pour obtenir des financements qu’à une véritable politique publique pensée pour et avec les Congolais.

« Ce n’est pas une réforme, c’est un glissement de terrain institutionnel », confie, sous anonymat, un acteur du secteur privé contacté par notre rédaction. Lui aussi fustige l’absence de concertation et la logique centralisatrice d’un texte qui aurait dû, au contraire, renforcer la décentralisation énergétique, pilier d’un accès juste et équitable à l’électricité. À Mbandaka, à Kolwezi ou à Buta, les petits projets solaires peinent à émerger, faute de reconnaissance et d’encadrement. Comment parler de développement durable si ces initiatives locales sont laissées en marge d’une vision purement macroéconomique et centralisée ?

Le Réseau Mwangaza ne s’arrête pas à la critique. Il appelle à un moratoire immédiat sur la vulgarisation de ce texte. Il exhorte le Parlement à reprendre la main, à rouvrir le débat et à écouter ceux qui, sur le terrain, savent ce que signifie réellement électrifier un hôpital de brousse ou un village enclavé. Il interpelle aussi les partenaires techniques et financiers, leur demandant de ne pas appuyer aveuglément une réforme qui n’a pas encore reçu l’aval législatif.

Il faut dire que la manœuvre du ministre laisse perplexe. Car si l’intention affichée est de réformer un cadre légal dépassé — ce qui, objectivement, s’impose après plus d’une décennie d’immobilisme — la méthode, elle, interroge : pourquoi s’obstiner à faire cavalier seul ? Pourquoi ignorer les conclusions de la commission juridique indépendante mise en place par ACERD et Mwangaza ? Pourquoi balayer d’un revers de main les propositions portant sur la planification énergétique inclusive, la réforme fiscale adaptée ou encore la création d’une entité de transport plutôt qu’une nouvelle société de dispatching ?

En filigrane, c’est une bataille plus large qui se dessine. Celle du droit à l’énergie comme droit humain fondamental, tel qu’inscrit dans la Constitution congolaise. Ce droit ne se décrète pas par ordonnance. Il se construit, pas à pas, avec celles et ceux qui vivent l’exclusion énergétique au quotidien. Avec les communautés rurales oubliées des grands schémas nationaux. Avec les femmes qui cuisinent encore à la braise faute de branchement électrique. Avec les jeunes entrepreneurs qui attendent de pouvoir alimenter leurs machines pour produire, innover, rêver.

Alors que la Commission Énergie de l’Assemblée nationale examine encore cette ordonnance, le Réseau Mwangaza sonne l’alarme. Pas pour bloquer le progrès, mais pour éviter que l’on confonde vitesse et précipitation, réforme et arrangement.

La transition énergétique en RDC mérite mieux qu’une ordonnance à la hâte. Elle mérite un débat national, sincère, ouvert, et surtout porté par ceux qui, chaque jour, construisent dans l’ombre ce que le pouvoir central prétend piloter seul depuis Kinshasa.

Par kilalopress

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

mkaaji_mupya
gnwp
palmadoc
ACEDH
%d blogueurs aiment cette page :