Le 25 novembre 2024, à Kinshasa, le général-major Albert Massi Bamba, commandant du Corps pour la protection des parcs nationaux (CorPPN), a lancé un cri d’alarme inquiétant concernant l’explosion de la spoliation des aires protégées en République Démocratique du Congo (RDC). Cette dénonciation s’est tenue lors d’une parade organisée au siège de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), une structure paramilitaire chargée de la sécurité des parcs nationaux.
Au cœur de cette déclaration se trouve une accusation grave : la spoliation des parcs n’est pas l’œuvre de simples braconniers ou de groupes armés isolés, mais d’acteurs bien plus institutionnalisés, allant des autorités militaires aux représentants civils. « Même ceux qui ont voté la loi sur la conservation de la nature sont parmi les personnes qui spolient nos parcs nationaux en toute impunité », a souligné le général Massi, déplorant l’hypocrisie et le manque de responsabilité qui gangrènent l’ensemble des processus de gestion et de protection des aires protégées. Ce constat laisse entrevoir un paradoxe inquiétant : celui d’un pays qui, tout en arborant des lois de conservation ambitieuses, peine à les appliquer face aux intérêts économiques et politiques qui gangrènent les territoires protégés.
Les aires protégées de la RDC, parmi les plus riches en biodiversité au monde, sont aujourd’hui au cœur d’un système de spoliation systématique qui met en péril l’équilibre écologique de tout le pays. Les parcs nationaux comme ceux des Virunga, du parc de la N’sele à Kinshasa, ou de la réserve de faune à Okapi en Ituri, sont particulièrement vulnérables. Ces zones, reconnues pour leur immense valeur écologique, sont confrontées à des activités illégales menées par des groupes armés, mais aussi par des réseaux de corruption impliquant des acteurs politiques et militaires. Les autorités locales, censées garantir leur préservation, semblent souvent se retourner contre ces espaces, au détriment de la biodiversité et des populations qui dépendent de ces ressources naturelles pour leur subsistance. Il est frappant de constater que les aires protégées de la RDC ne bénéficient pas de la protection nécessaire pour remplir leur rôle essentiel de sanctuaires de biodiversité. Au contraire, elles sont devenues des zones de « guerre » pour les terres, les ressources minières et forestières, et pour le contrôle des flux financiers liés à l’exploitation illégale des richesses naturelles.
Le cas du parc national de l’Upemba, dans la province du Haut-Lomami, offre un triste exemple de cette guerre invisible. La semaine précédente, deux écogardes ont perdu la vie dans des affrontements avec des rebelles Mai-Mai, rappelant les conditions extrêmes dans lesquelles ces protecteurs de la nature exercent leur métier. À travers cet hommage, le général Massi a souligné non seulement les sacrifices humains faits par les éco-gardes mais aussi l’absence de moyens matériels et législatifs pour enrayer ce cycle de violence et de spoliation. Si la situation reste inchangée, la RDC risque de voir ses écosystèmes uniques — qui abritent des espèces emblématiques comme les gorilles des montagnes des Virunga ou les okapis — disparaître sous l’impact de ces exactions. En outre, la déforestation illégale, le braconnage et l’exploitation minière détruisent les habitats naturels à un rythme effréné, contribuant à la perte de biodiversité qui est déjà catastrophique à l’échelle mondiale.
Les propos du commandant Massi soulignent un problème de fond : l’inefficacité de l’État congolais à protéger son patrimoine naturel malgré l’existence de lois robustes sur la conservation. Le projet de loi n°14, promulgué pour protéger la nature et ses ressources, semble déconnecté des réalités du terrain. Alors que la RDC a signé plusieurs accords internationaux sur la protection de l’environnement, notamment la Convention sur la diversité biologique (CDB), le pays peine à aligner ses engagements avec des actions concrètes et efficaces. Dans ce contexte, la société civile et les organisations environnementales jouent un rôle crucial. Ces acteurs, souvent marginalisés, sont les premiers témoins des exactions, mais aussi les premiers à proposer des solutions alternatives pour restaurer la gouvernance de la nature. Les initiatives communautaires de gestion des ressources naturelles et de lutte contre la corruption dans les secteurs liés à l’exploitation des parcs nationaux sont essentielles pour redresser la situation. Les autorités doivent intensifier leur engagement en matière de lutte contre la corruption, garantir la sécurité des parcs et renforcer la coopération entre acteurs gouvernementaux, militaires et civils. Parallèlement, la mobilisation internationale en soutien à la RDC, en matière de financement et de transfert de compétences en gestion environnementale, reste plus que jamais nécessaire. Dans ce combat pour la nature, la RDC, porteuse d’une biodiversité d’une richesse inouïe, n’a d’autre choix que de réussir à faire converger la protection de l’environnement avec un développement durable authentique.
Par kilalopress