RDC : La Criminalité Environnementale, Une Lutte Inégale contre une Menace Globalisée

La criminalité environnementale, particulièrement le braconnage et le trafic illégal d’espèces sauvages, continue de prospérer malgré les efforts déployés à l’échelle mondiale pour la combattre. Les organismes internationaux, les ONG et les États ont investi des ressources substantielles pour mettre fin à cette menace, mais les défis restent colossaux et les résultats souvent mitigés selon la Revue Juridique sur la Criminalité Environnementale (RJCE)du Centre de Recherches Interdisciplinaires en Droit de l’Environnement (CRIDE), éditée à la faculté de Droit de l’UPN Kinshasa avec le Concours de l’ONG Juristral.

Le N° 02 de cette revue à sa page 101, contient un Article intéressant écrit par Jovial Bakulu Ngabo, Chercheur en droits humains et environnementaux et acteur de la société civile au sein l’ACEDH.Pour ce juriste, Diplômé de l’Université Senghor d’Alexandrie en Gestion des Aires protégées en Afrique, il est reconnu que les agents chargés de la détection et de la répression des crimes liés aux espèces de faune sont confrontés à des défis multiples, faisant à ce que le chiffre noir matière de lutte contre ce type de criminalité soit considérable. 

Cette étude met en lumière les enquêtes souvent limitées aux aspects superficiels, et soulève des questions cruciales sur les méthodes et les outils nécessaires pour améliorer la détection et la répression des crimes environnementaux.

La criminalité environnementale se globalise chaque année, mettant en péril non seulement la biodiversité mais aussi la stabilité socio-économique des pays touchés. Les forêts du bassin du Congo, qui abritent une richesse biologique inestimable, sont particulièrement vulnérables. Cette région héberge environ 400 espèces de mammifères, 1300 espèces d’oiseaux, et plus de 20 000 essences forestières. Cependant, cette biodiversité est menacée par des réseaux criminels sophistiqués qui exploitent ces ressources de manière illégale sans tenir compte des impacts directs sur la régulation du climat et la qualité de l’air et surtout la diminution des moyens de subsistance face à une démographie galopante.

Malgré les lois nationales rigoureuses comme la Loi n°14/003 du 11 février 2014 sur la conservation de la nature et l’Ordonnance – Loi N° 23/007 du 03 mars 2023 modifiant la Loi N° 11/009 du 09 juillet 2011sur les principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, leur l’application reste déficiente. La corruption systémique et la pauvreté endémique dans les pays en développement exacerbe le problème. Les mécanismes de contrôle sont souvent inefficaces face aux techniques de plus en plus innovantes des criminels entraînant souvent un faible taux de condamnations, ce qui encourage les criminels à poursuivre leurs activités. La faiblesse des infrastructures de surveillance et des mécanismes judiciaires efficaces renforcent l’impunité, créant ainsi un environnement où les activités illégales peuvent prospérer sans crainte de répresailles significatives.

Les conséquences de cette criminalité sont multiples et graves c’est le cas notamment de L’insécurité alimentaire qui est exacerbée par l’épuisement accéléré des espèces animales, qui sont des sources vitales de protéines pour des nombreuses communautés locales. Par ailleurs, le blanchiment de capitaux et la circulation incontrôlée des armes automatiques alimentent les conflits locaux et affaiblissent les structures étatiques. Selon l’Union Internationale pour la Conservations de la Nature (UICN), le braconnage de certaines espèces a réduit les populations animales de plus de 60% dans certaines régions, ce qui met en péril la sécurité alimentaire de ces communautés. De plus, les revenus générés par ces activités illégales financent souvent des groupes armés avec comme conséquence la déstabilisation des régions déjà sous développées.

La corruption et la banalisation sociale de ces infractions contre les espèces de Faune en RDC, crée un cercle vicieux où les infractions sont à la fois fréquentes et sous-déclarées.

Il est crucial de renforcer les initiatives et d’étendre les pistes d’enquête à différents niveaux ( *à la source, le Long du parcours et vers les destinations finales*) dans la lutte contre la criminalité environnementale en République Démocratique du Congo (RDC), notamment pour les espèces de faune menacées. Actuellement, les organes de poursuite en RDC font face à des défis considérables. Les pistes d’enquête souvent limitées ne permettent pas de couvrir efficacement l’ensemble des réseaux criminels, qui sont de plus en plus sophistiqués et bien organisés. Une réponse plus robuste est nécessaire pour détecter et démanteler ces réseaux.

La dissuasion efficace contre la criminalité faunique exige une maîtrise approfondie des lois qui la répriment ainsi que des activités soutenant la recrudescence et la sophistication des modes opératoires de ce type de criminalité. Le contraste entre le rythme accéléré d’extinction des espèces fauniques, la hausse de leur demande illicite au niveau mondial, et les capitaux mobilisés par ce commerce illicite, face à un taux insignifiant des poursuites, dont la plupart des dossiers se terminent soit par le classement sans suite soit par l’acquittement avec de forts soupçons de corruption, est particulièrement interpellateur. Cette situation souligne la nécessité d’une prise de conscience accrue parmi les acteurs impliqués pour améliorer l’efficacité dans la lutte contre la criminalité environnementale.

Comme exposé ci-haut, si d’une part il est reconnu que les agents chargés de la détection et de la répression des crimes liés aux espèces de faune font face à des défis multiples, il semble que certains d’entre eux se limitent à des aspects superficiels dans leurs enquêtes. Par exemple, se contenter de traiter les cas des présumés auteurs attrapés par les éco-gardes en patrouille sans approfondir la recherche des réseaux de soutien tels que ceux qui dissimulent les espèces ou les blanchissent. Pourquoi cette situation persiste-t-elle ? Est-ce dû à un manque de formation et d’équipement, ou à une méconnaissance des méthodes d’enquête plus approfondies ? En outre, au regard des statistiques sur les sommes générées par la criminalité faunique comparées aux rares poursuites engagées, le chiffre noir reste-t-il élevé en raison des techniques d’enquête classiques utilisées par les organes de poursuite ?

La lutte contre la criminalité environnementale en RDC nécessite une approche intégrée et renforcée, avec un accent particulier sur l’élargissement des pistes d’enquête et la mobilisation de ressources adéquates. Les efforts doivent être intensifiés pour renforcer les capacités des organes de poursuite, améliorer les technologies d’enquête, et favoriser la coopération internationale. En soutenant les communautés locales et en adaptant les stratégies aux réalités locales, il est possible d’inverser la tendance actuelle et de protéger la biodiversité menacée. Une stratégie globale et cohérente est essentielle pour contrer cette menace croissante et atténuer ses impacts dévastateurs sur l’environnement et les sociétés.

Kilalopress

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