Le conflit foncier qui agite actuellement la région de Matadi, dans la province du Kongo-Central, met en lumière des tensions croissantes entre les ayants-droits coutumiers et l’Organisation pour l’Équipement de Banana-Kinshasa (OEBK).
Depuis le 29 juillet, cette discorde a été portée à l’attention des médias par Radio Okapi, révélant des accusations graves de détournement de terres par l’OEBK au profit de constructions controversées. Ce conflit ne se limite pas à une simple dispute locale ; il pose des questions fondamentales sur la gestion des terres et les droits coutumiers en République Démocratique du Congo (RDC).
Le conflit a éclaté autour des terres situées aux alentours du Pont Maréchal à Matadi. Selon Jean-Pierre Longo Sita, secrétaire provincial des ayants-droits coutumiers, le Directeur de l’OEBK est accusé d’avoir illégalement acquis et vendu des terrains appartenant traditionnellement aux communautés locales. Ces accusations incluent la vente présumée à des investisseurs kenyans d’un espace adjacent au fleuve pour la construction d’un quai.
Les revendications des ayants-droits reposent sur un document historique stipulant que les terres en question avaient été initialement mises à disposition de l’État pour la construction du Pont Maréchal, à la demande des autorités japonaises. Ce document, mentionné par Longo Sita, précise que la terre serait restituée aux ayants-droits une fois les travaux terminés. Pourtant, la réalité semble contredire cette stipulation : les terres seraient désormais louées à des investisseurs chinois et d’autres parties privées, ce qui a exacerbé le mécontentement des communautés locales.
Pourtant, la position de l’OEBK est tout à fait différente. Selon Jean-Claude Mavambu, Directeur général de l’organisation, les terres en question sont la propriété légitime de l’OEBK, dûment enregistrées avec des certificats appropriés. Mavambu précise également que les règlements en vigueur autorisent la location des terrains sous gestion de l’OEBK pour des périodes allant jusqu’à 25 ans, à condition que l’usage soit justifié et qu’il serve les intérêts de la RDC.
Ce conflit illustre une problématique plus large liée à la gestion foncière en RDC, où les droits coutumiers et les droits étatiques se percutent souvent. Les terres coutumières, traditionnellement gérées par les communautés locales, se retrouvent parfois en désaccord avec les projets d’infrastructures nationaux, alimentant des tensions entre développement et droits ancestraux.
Les chiffres jouent également un rôle dans cette controverse. Le Pont Maréchal, une infrastructure clé construite avec l’aide des Japonais, est censé faciliter le commerce et les transports dans la région. Cependant, le projet a également engendré des complications liées à la gestion des terres adjacentes, où des intérêts commerciaux étrangers entrent en jeu.
Le conflit autour des terres de l’OEBK à Matadi ne se limite pas à une simple bataille juridique ou administrative. Il révèle un déséquilibre profond entre les aspirations de développement économique et la protection des droits coutumiers locaux. La situation actuelle invite à une réflexion plus large sur la manière dont les ressources foncières sont gérées et disputées dans des contextes où les règles traditionnelles et modernes se croisent.
Ce conflit nécessite une meilleure harmonisation entre les droits coutumiers et les pratiques de gestion foncière modernes. Il pose aussi la question de savoir comment concilier développement et justice sociale dans des pays en pleine croissance comme la RDC. À mesure que les investissements étrangers continuent de croître, les autorités et les parties prenantes doivent veiller à ce que les intérêts des communautés locales soient correctement pris en compte pour éviter des conflits similaires à l’avenir.
La Rédaction