Le mardi 1er juillet au Vatican, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, a lancé un appel urgent lors de la présentation du document préparatoire à la COP 30 qui se tiendra au Brésil en novembre 2025. En dénonçant l’exploitation abusive des ressources naturelles en République Démocratique du Congo, il a insisté sur la nécessité de placer la justice climatique et sociale au cœur des négociations internationales. Pour lui, il est urgent de rappeler que derrière la richesse du sous-sol congolais, ce sont avant tout des droits humains qui doivent être respectés, et non la seule logique de rentabilité économique.
Depuis le cœur de la République Démocratique du Congo (RDC), pays riche de forêts, de rivières et de minerais, le cardinal Ambongo a porté la voix d’un peuple qui, malgré l’abondance de ressources naturelles sous ses pieds, souffre en silence des ravages d’une exploitation sans conscience. Il n’a pas mâché ses mots : « Le grand problème du Congo, c’est la façon dont ses ressources sont exploitées. La rentabilité économique est mise en première ligne, oubliant que sur cette terre du Congo, il y a aussi des personnes qui ont des droits. » Ces mots sonnent comme une condamnation des dérives d’un modèle extractiviste globalisé, qui fait peu de cas des droits humains et des équilibres écologiques locaux.
En évoquant les injustices criantes dont sont victimes les populations congolaises, en particulier celles vivant dans les zones minières, le cardinal Ambongo soulève une problématique centrale et encore trop peu débattue sur la scène internationale : l’exploitation des ressources du Sud au profit du confort du Nord. Le paradoxe est glaçant. Les pays les moins pollueurs, comme la RDC, sont ceux qui paient le plus lourd tribut aux changements climatiques, alors même qu’ils abritent des puits de carbone essentiels à l’humanité, notamment le bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie.
Mais derrière ce constat révoltant, une dynamique nouvelle est en marche. Et c’est bien là que réside la réussite de cette prise de parole : loin de se contenter d’un discours moralisateur, le cardinal met en avant des actions concrètes portées par l’Église catholique congolaise. La Conférence épiscopale du Congo a ainsi mis en place une commission spécifique sur les ressources naturelles, chargée du monitoring des impacts des activités minières sur les communautés humaines et l’environnement. À cela s’ajoute la création prochaine d’un observatoire indépendant, destiné à renforcer cette vigilance et à peser davantage dans le débat public et politique. Une initiative rare, qui place l’Église comme un acteur de terrain, enraciné dans la défense des droits fondamentaux et de l’environnement.
Ce rôle inattendu de l’institution religieuse pourrait bien être l’un des leviers les plus puissants de transformation pour les années à venir. En conjuguant autorité morale, proximité avec les populations locales, et engagement environnemental, l’Église congolaise devient une sorte de vigie éthique dans un monde où la logique de profit menace de tout balayer.
« L’accord de Paris avait suscité beaucoup d’espoir, mais les promesses sont restées lettre morte », a rappelé le cardinal Ambongo, appelant à un sursaut global. La prochaine Conférence des Parties, la COP 30 à Belém, doit selon lui marquer un tournant, un kairos, ce moment décisif qui engage l’humanité tout entière. Le document préparatoire présenté au Vatican ne se contente pas d’un état des lieux : intitulé Un appel pour une justice climatique, il s’inspire de l’encyclique Laudato Si’ du pape François, et appelle à une conversion radicale de notre rapport à la nature et aux plus vulnérables.
Ce que réussit ici le cardinal Ambongo, c’est d’ancrer les grands principes abstraits de la justice climatique dans une réalité concrète, vécue, criante. Il donne un visage à l’injustice : celui d’un pays dévasté par des décennies de prédation, mais qui résiste. Il offre aussi une méthode : celle de la vigilance, de la dénonciation documentée, de l’alliance entre spiritualité, engagement citoyen et expertise environnementale. Et il rappelle, en filigrane, que la transition écologique n’aura de sens que si elle s’accompagne d’une refondation éthique et sociale.
À quelques mois d’un sommet climatique qui s’annonce crucial, la voix du Congo résonne comme un avertissement. Mais aussi comme une promesse : celle qu’un autre modèle est possible. Un modèle où les forêts du Sud ne sont plus seulement des stocks de carbone, mais les demeures vivantes de peuples dignes ; où les minerais ne sont plus extraits dans le sang et la boue, mais intégrés dans une économie régulée, équitable, durable. Ce modèle reste à construire. Mais à Kinshasa, à Goma, à Kolwezi, dans les paroisses comme dans les communautés forestiere et minières, certains y croient encore. Et surtout, ils agissent.
Par kilalopress