RDC : Des organisations de la société civile et peuples autochtones s’opposent au projet du « couloir vert Kivu-Kinshasa »

Le projet de création d’une nouvelle aire protégée dénommée “Couloir Vert Kivu-Kinshasa” soulève de vives inquiétudes et suscite une opposition forte parmi les organisations de la société civile environnementale et les peuples autochtones pygmées de la République Démocratique du Congo (RDC). Dans une déclaration rendue publique le 8 décembre 2024, ces organisations dénoncent un processus précipité et opaque, qui pourrait aggraver les vulnérabilités sociales et environnementales déjà existantes.

Lors de la réunion du Conseil des Ministres du 1er novembre 2024, le gouvernement congolais a annoncé son intention de créer une aire protégée de 100 000 km² appelée “Couloir Vert Kivu-Kinshasa”. Le projet, qui vise à promouvoir une “économie verte” en conciliant développement économique et conservation de la nature, s’étendrait de la région du Kivu à la capitale Kinshasa, en passant par plusieurs écosystèmes primaires. Une initiative qui, selon le gouvernement, pourrait contribuer à la préservation des ressources naturelles tout en favorisant des activités économiques durables.

Cependant, les organisations de la société civile et les représentants des peuples pygmées, déjà confrontés à de multiples défis socio-environnementaux, dénoncent un manque de consultation préalable et des risques potentiels pour les droits fonciers et la sécurité des communautés locales. Ces dernières, souvent marginalisées, risquent de se retrouver privées de leurs terres ancestrales sans compensations adéquates.

L’une des principales critiques formulées par ces organisations est l’absence de participation des communautés locales et autochtones dans l’élaboration de ce projet. Elles pointent du doigt une gestion “top-down”, où les décisions sont prises sans consultation des intéressés, ce qui rappelle des pratiques de gouvernance centralisée et non démocratique qui ont prévalu sous les régimes coloniaux et dictatoriaux. « Nous sommes convaincus qu’un projet d’une telle ampleur, impliquant des changements dans la gestion des terres et des ressources naturelles, doit être discuté avec toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales et les peuples autochtones pygmées. Sans une telle consultation, ce projet risque de bafouer leurs droits fonciers collectifs et leurs moyens de subsistance », a déclaré un porte-parole des organisations signataires de la déclaration.

Le projet de “Couloir Vert Kivu-Kinshasa” repose sur la création d’une aire protégée dans une zone déjà occupée par des communautés autochtones et locales, qui y exercent des activités traditionnelles de subsistance telles que la chasse, la cueillette, et l’agriculture. Pour ces populations, la mise en place de restrictions sur l’utilisation des terres pourrait entraîner des déplacements forcés, des conflits fonciers et une perte de ressources vitales. Les experts en droit foncier et en droits humains avertissent que l’établissement de cette aire protégée pourrait violer les droits des communautés locales en matière de propriété et de gestion des terres. En effet, les terres concernées par le projet ne sont pas seulement des espaces naturels, mais aussi des zones où se trouvent des infrastructures telles que des villages, des routes, des sites sacrés et des terres agricoles, qui sont directement liées à la survie économique et culturelle des populations.

La contestation contre le projet se renforce par le fait que le gouvernement congolais n’a pas pris en compte une autre proposition de modification de la loi N°14/003 relative à la conservation de la nature, déjà en discussion à l’Assemblée nationale. Cette proposition, soutenue par de nombreux acteurs de la société civile, vise à mieux intégrer les principes de la gestion communautaire des ressources naturelles, tout en respectant les droits humains des communautés locales et des peuples autochtones. Les organisations dénoncent l’ambiguïté du “Couloir Vert Kivu-Kinshasa”, dont le cadre juridique n’est pas clairement défini dans la législation actuelle et risquerait de créer des conflits avec les projets d’aménagement du territoire et de gestion foncière en cours.

Face à ces préoccupations, les organisations signataires exigent la mise en place de consultations larges et transparentes avec toutes les parties prenantes avant toute adoption législative du projet. Elles appellent également à une révision du projet pour qu’il s’intègre dans un cadre plus large de gestion du territoire, respectant les droits des communautés locales et des peuples autochtones, et favorisant un développement réellement inclusif et durable. « Avant d’adopter ce projet en l’état, le gouvernement doit garantir une réelle consultation des communautés concernées, en conformité avec les engagements pris par la RDC au niveau international, notamment en matière de biodiversité et de droits humains », a souligné un représentant des peuples pygmées.

Le projet “Couloir Vert Kivu-Kinshasa” pourrait, selon ces organisations, exacerber les inégalités et les tensions entre les communautés locales et les autorités centrales. Le défi pour le gouvernement congolais sera de concilier la nécessité de préserver l’environnement et de développer une économie verte avec la protection des droits fondamentaux des populations les plus vulnérables.

Par kilalopress

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