Au cœur de la République Démocratique du Congo, entre Lubumbashi et Kasumbalesa, se niche le village de Mampa. Ce lieu, apparemment ordinaire, abrite pourtant un trésor inestimable : un savoir ancestral en médecine traditionnelle, transmis de génération en génération. Une étude récente, menée entre novembre 2022 et octobre 2023 et approuvée par le Département de Pharmacologie de la Faculté des Sciences Pharmaceutiques de l’Université de Lubumbashi (FSPUNILU-DP-BD-062022), lève le voile sur cette richesse ethnobotanique jusqu’alors non documentée.
L’enquête, menée auprès de 400 villageois, révèle un fait saisissant : 93,8% des répondants affirment avoir acquis leurs connaissances sur les plantes médicinales au sein de leur famille. Cette transmission orale, pilier de la culture locale, explique en partie pourquoi ce savoir est resté si longtemps dans l’ombre de la littérature scientifique. Avec une moyenne d’âge de 48 ans et une expérience moyenne de 14,5 ans dans l’utilisation des plantes médicinales, les habitants de Mampa constituent une véritable bibliothèque vivante de connaissances ethnobotaniques.
L’étude a permis de recenser 38 espèces végétales utilisées à des fins médicinales. Parmi elles, l’Anisophyllea pomifera et le Brachystegia boehmii se distinguent comme les plus fréquemment citées, avec 46 mentions chacune. Le Landolphia kirkii, quant à lui, remporte la palme de la polyvalence avec six usages médicinaux différents répertoriés. Ce qui frappe particulièrement, c’est la découverte de deux espèces, l’Entandrophragma delevoyi et le Pterocarpus brenanii, dont l’usage médicinal n’avait jamais été documenté auparavant. L’Entandrophragma delevoyi, endémique à la RDC, représente une découverte d’une importance capitale pour la recherche pharmacologique.
Les habitants de Mampa ne manquent pas de ressources face à la maladie. L’étude recense 81 recettes médicinales utilisées pour traiter 32 pathologies différentes. Les troubles gastro-intestinaux arrivent en tête, avec 8 recettes impliquant 7 plantes différentes, totalisant 152 mentions. La prévalence des remèdes pour les maux de ventre pourrait s’expliquer par les conditions sanitaires locales, notamment l’accès limité à l’eau potable. La nature semble avoir fourni aux habitants les outils pour faire face à ces défis quotidiens.
Si la majorité des plantes recensées sont déjà connues pour leurs vertus médicinales dans d’autres régions, l’étude met en lumière des usages inédits. Par exemple, le Parinari curatellifolia, le Pterocarpus angolensis et le Senegalia polyacantha sont utilisés à Mampa pour des indications thérapeutiques jusqu’alors non répertoriées. Ces découvertes ouvrent des perspectives passionnantes pour la recherche pharmaceutique. Elles pourraient mener au développement de nouveaux traitements, basés sur des siècles d’observations et d’expérimentations empiriques.
L’étude souligne également la fragilité de ce savoir traditionnel. Transmis oralement, il risque de se perdre face aux changements sociétaux et environnementaux. La documentation de ces connaissances est cruciale, non seulement pour préserver un patrimoine culturel unique, mais aussi pour explorer de nouvelles pistes thérapeutiques potentiellement bénéfiques pour l’humanité tout entière. Les chercheurs appellent à une collaboration étroite entre scientifiques, autorités locales et habitants de Mampa pour protéger cette richesse ethnobotanique. Des études pharmacologiques sont déjà en cours pour valider scientifiquement certaines des indications thérapeutiques rapportées.
Dans ce coin reculé de la RDC, la tradition et la science se rejoignent, promettant peut-être de nouvelles avancées dans notre quête éternelle de guérison et de bien-être. Le village de Mampa, avec son trésor de connaissances médicinales, nous rappelle l’importance de préserver et d’étudier les savoirs traditionnels, véritables ponts entre le passé et l’avenir de la médecine.
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