L’annonce faite par Didier M’Pambia, ministre congolais du Tourisme, concernant la transformation et la délocalisation du Jardin Zoologique de Kinshasa, a suscité des réactions mitigées. Tandis que certains se réjouissent d’un renouveau potentiel pour un site historique, d’autres se demandent si ce projet ne représente pas une énième dérive de l’industrie touristique au détriment de la faune locale et de l’environnement. Et si, au lieu de déplacer un zoo vieillissant, il était plus judicieux de repenser en profondeur la relation entre l’humain et la nature en République Démocratique du Congo ?
Le Jardin Zoologique de Kinshasa, ouvert en 1938, a longtemps incarné un lieu d’apprentissage et de divertissement pour les habitants de la capitale congolaise. Mais, comme l’a reconnu le ministre M’Pambia, son état est aujourd’hui « assez délabré » et il ne répond plus aux exigences modernes en matière de conservation animale. Pourtant, au lieu de privilégier une réflexion sur la manière de restaurer et réinventer cet espace pour en faire un véritable centre de préservation de la biodiversité, la solution envisagée semble être la délocalisation vers le site de N’sele, une zone plus vaste… mais aussi plus éloignée des enjeux environnementaux immédiats.
Si le zoo de Kinshasa est effectivement un lieu où l’espace manque cruellement, une délocalisation pure et simple soulève plusieurs questions. Pourquoi déplacer ces animaux dans un espace dont l’impact écologique n’est que partiellement mesuré, plutôt que de réhabiliter l’existant en tenant compte des nouvelles normes en matière de bien-être animal et de conservation ? Et surtout, pourquoi ne pas repenser ce zoo en un véritable centre de sensibilisation à la faune locale, en lien avec les enjeux de conservation dans la région ?
La délocalisation vers N’sele, où des projets de cages modernes pourraient voir le jour, pourrait sembler à première vue une solution acceptable pour améliorer les conditions de vie des animaux. Mais ne faisons-nous pas l’impasse sur la question plus profonde de ce que devrait être un zoo au XXIe siècle ? Est-ce encore acceptable, moralement et écologiquement, de maintenir des animaux en captivité pour des raisons de « divertissement » et de « sensibilisation », alors que nous savons tous qu’un lion, un éléphant ou un chimpanzé sont faits pour vivre dans leur habitat naturel, et non dans des enclos artificiels ?
Il est légitime de s’interroger : au lieu de chercher à offrir de plus grands enclos, ne serait-il pas plus pertinent de revoir le concept même du zoo, à la lumière des défis environnementaux actuels ? La question du bien-être animal dépasse largement les dimensions d’un simple espace plus grand. Il s’agit aussi de comprendre comment une infrastructure zoologique peut participer à une dynamique de conservation véritablement durable et respectueuse de l’environnement. Le ministère du Tourisme semble avoir opté pour un modèle qui regarde avant tout vers le « spectaculaire » plutôt que vers une réelle préoccupation écologique. Mais cette délocalisation ne pourrait-elle pas être l’occasion de réinventer le rôle des parcs et zoos en RDC en les orientant vers une gestion plus axée sur la faune sauvage locale et les projets de conservation participative ? Pourquoi ne pas faire de Kinshasa un pôle de recherche et de préservation des espèces indigènes menacées, plutôt qu’un centre de loisirs basé sur des animaux exotiques ?
Il est crucial que les autorités congolaises, en collaboration avec les partenaires internationaux, réfléchissent à des alternatives plus durables : des sanctuaires pour la faune sauvage, des programmes de réintroduction d’espèces et des efforts pour protéger les écosystèmes naturels plutôt que de les remplacer par des espaces artificiels. De plus, si le site de N’sele devait effectivement être utilisé, il serait important que le projet soit conçu de manière à respecter les critères environnementaux et sociaux les plus stricts. Ce projet, bien qu’ambitieux, doit absolument intégrer une vision à long terme : celle d’un modèle de conservation qui réconcilie développement humain et préservation des écosystèmes locaux. Sinon, comme le temps presse pour les espèces sauvages, il se pourrait que ce soit trop tard pour tout le monde.
Par kilalopress