Kinshasa : La Crise des Inondations de la Rivière Ndjili et ses Impacts Dévastateurs

Vivre sur les rives de la rivière Ndjili présente des risques importants pour de nombreux habitants de Kinshasa, comme l’ont démontré les récentes inondations.

La rivière Ndjili est un cours d’eau majeur en République Démocratique du Congo (RDC), particulièrement dans la capitale, Kinshasa. Elle traverse la ville, qui est située le long de ses rives. Elle fait partie du bassin du fleuve Congo, l’un des plus grands systèmes fluviaux d’Afrique. La rivière Ndjili fournit de l’eau pour l’usage domestique, soutient l’agriculture et la pêche, et a historiquement servi de route de transport. Cependant, elle est sujette aux inondations, surtout pendant la saison des pluies qui dure généralement de septembre à mai.

Par exemple, entre novembre 2023 et février 2024, six communautés le long de cette rivière — Limete, Kisenso, Mongafula, Masina, Matete et N’djili — ont subi des inondations sévères en raison de pluies exceptionnellement fortes, non conformes aux schémas météorologiques de Kinshasa. La communauté Baptiste du Congo (CBCE) située dans le quartier de Mbudi à Mongafula, particulièrement touchée, a signalé 14 foyers directement impactés par les inondations, avec 13 foyers supplémentaires déplacés le long de la rivière Ndjili. Les dirigeants de la communauté CBCE attribuent cette situation au changement climatique, qu’ils estiment désormais affecter la région plus sévèrement.

Histoires personnelles de perte

Daniel Mayani, secrétaire permanent de la CBCE, raconte la dévastation en disant que depuis novembre 2023, les inondations de la rivière Ndjili ont « sévèrement affecté » la communauté. Il rapporte que quatorze foyers, chacun abritant entre 14 et 20 personnes, ont été directement touchés. Plusieurs familles ont été contraintes d’évacuer, abandonnant des maisons englouties par les inondations.

Claudine, résidente de Mbudi, partage son expérience déchirante : « Je vendais du Chikwange depuis chez moi pour soutenir ma famille. Lorsque les inondations ont frappé, j’ai laissé un stock important derrière moi. En revenant, tout était détruit au-delà de tout espoir de sauvetage. La perte s’élevait à 540 000 CF francs (200 $), anéantissant mon moyen de subsistance et laissant mes enfants sans les essentiels pour l’école. » Célestin Muluba de Limete attribue ce problème à un manque de supervision dans l’urbanisme, affirmant que le quartier, autrefois agricole, est maintenant « densément peuplé sans orientation appropriée sur les risques. » « Personne ne nous a informés des dangers de construire près de la rivière, » souligne-t-il. Juliette Kavira, qui a déménagé à Kimwenza pour échapper aux eaux montantes, décrit vivement la dévastation : « La rivière a débordé, détruisant maisons et commerces. Même mon jardin, à seulement huit mètres, a été submergé pendant plus de trois mois. »

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Eaux montantes et science environnementale

Selon Luna Scientia, chercheuse et étudiante en Master en Gestion des Ressources en Eau à l’École Régionale de l’Eau de l’Université de Kinshasa, 11,9 % de la population de la zone de drainage de la rivière et 36,1 % de son infrastructure sont actuellement vulnérables aux inondations. « Dans la communauté de Limete, en particulier à Ndanu, de grandes portions de terre autrefois utilisées par les Chinois pour des moulins à riz sont désormais des marécages, » explique Scientia. De même, à Mont Ngafula, dans le district de Mbudi, réputé pour la culture de l’igname et du palmier à huile, l’urbanisation en cours aggrave les risques d’inondation en raison de multiples activités humaines et de perturbations saisonnières, selon Scientia. Il souligne l’urgence de mitiger les impacts des inondations en notant que l’augmentation des précipitations et les changements démographiques dans les zones urbanisées proches des cours d’eau aggravent les inondations. « Des actions immédiates sont nécessaires pour réduire la vulnérabilité et les pertes économiques, » précise-t-il, plaidant également pour des infrastructures de sanitation comme solution cruciale pour atténuer les impacts des inondations de la rivière Ndjili. Les inondations non seulement submergent les propriétés et polluent l’eau, mais mettent également en danger la faune et déracinent la végétation. Scientia déplore que les inondations rapides représentent le plus grand risque pour la sécurité publique, car il y a souvent peu de temps pour évacuer.

Prévision et gestion des inondations

Une étude réalisée par Dr. Gode Bola de l’École Régionale de l’Eau de l’Université de Kinshasa met en évidence la vulnérabilité de la République Démocratique du Congo (RDC) et des pays voisins aux inondations causées par le débordement des eaux du fleuve Congo. Selon Dr. Bola, les pays du bassin du fleuve Congo, en particulier la RDC, la République du Congo et la République Centrafricaine, sont confrontés à une exposition significative aux inondations. « Les inondations sont particulièrement difficiles à prévoir en raison de notre compréhension limitée des processus sous-jacents régissant les risques d’inondation, » note Dr. Bola, en soulignant le manque de données à des échelles spatiales et temporelles appropriées. Les récentes avancées en puissance de calcul et l’amélioration de l’accès aux données d’observation de la Terre offrent des opportunités sans précédent pour la prévision des inondations, ce que Dr. Bola croit pouvoir aider à atténuer les risques d’inondation. Dr. Bola explique également le climat saisonnier de Kinshasa, déclarant que « la ville connaît deux saisons distinctes : une saison sèche durant environ trois mois (de mi-mai à septembre) et une saison des pluies durant environ huit à neuf mois (de septembre à mi-mai) chaque année. » Ce schéma saisonnier est influencé par la position équatoriale de la République Démocratique du Congo.

« La Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT), connue sous le nom de bande de nuages constituée d’averses et de quelques orages qui encercle le globe près de l’équateur, passe fréquemment au-dessus du ciel de la RDC, apportant de fortes pluies, des vents forts et des températures élevées, » décrit Dr. Bola. « Ces conditions rendent le pays susceptible aux inondations, posant des menaces non seulement pour la terre elle-même mais aussi pour la santé, le bien-être et la stabilité économique de sa population, » ajoute-t-il. Divers modèles d’étude (par exemple, Lisflood) ont été développés pour évaluer l’étendue des inondations et fournir des éclaircissements sur les enquêtes scientifiques et de gestion concernant les risques d’inondation et leur évolution. Par exemple, une étude réalisée en 2022 par Dr. Professor Bola et ses collègues à l’Institut Régional de l’Eau de Kinshasa souligne l’impact sévère des inondations sur la population et ses biens. Cette étude a révélé que « les inondations sont devenues la menace principale, affectant divers aspects de la vie, y compris la durabilité environnementale, la sanitation, les services d’approvisionnement en eau et les activités socio-économiques au sein des communautés touchées. »

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Réponse gouvernementale et santé publique

Dans un communiqué de presse publié le jeudi 28 décembre, Divine Mulumba Kapinga, Directeur Général Adjoint de la Régie des Voies Fluviales (RVF), a tiré la sonnette d’alarme concernant la montée sans précédent des eaux du fleuve Congo et de ses affluents. Il a exprimé son inquiétude face au risque croissant pour la vie humaine et les biens posé par la situation actuelle. Mulumba a appelé les autorités publiques et la population à prendre des mesures immédiates pour se protéger contre les inondations généralisées affectant presque toute la plaine inondable de Kinshasa.

Préoccupations concernant la montée des niveaux d’eau

Raphael Tshimanga, hydrologue et professeur d’université de Kinshasa, souligne le défi posé par le cycle de récurrence relativement court des inondations, survenant environ tous les deux ans, ce qui complique la prévision hydrologique. Il indique que l’augmentation sans précédent du niveau des eaux du fleuve Congo reste une préoccupation majeure, particulièrement après les récentes inondations le long de ce grand fleuve africain. Selon les rapports de la Régie des Voies Fluviales (RVF), le niveau actuel des eaux du fleuve Congo est de 5,9 mètres, approchant du pic de 6,26 mètres enregistré en 1961. Les relevés de RVF du 27 décembre 2023, pour vérifier la vitesse et la hauteur de l’eau dans le fleuve, ont indiqué que l’eau était à 6,20 m de hauteur, équivalent à 75 000 mètres cubes se déplaçant rapidement à 73 209,101 mètres cubes par seconde. Le niveau de l’eau était de 5,91 mètres de hauteur. RVF avertit les autorités publiques des risques potentiels pour la vie et des épidémies de maladies d’origine hydrique, notamment dans les zones sujettes aux inondations de Kinshasa. De nombreux cas de maladies d’origine hydrique ont été documentés dans diverses parties de la ville. « Nous avons régulièrement des épidémies de diarrhée, de choléra, de gale et de paludisme. Actuellement, nos enfants sont couverts de plaies dues à la gale et aux piqûres de moustiques. Il devient de plus en plus difficile de les soigner car tout ce que nous possédions a été emporté par les inondations, » explique un résident de Limete. Dr. Kambale Mutavali, responsable de l’hygiène hospitalière, de la santé et de la sanitation environnementale à la Clinique kinoise de Kinshasa, souhaite que les résidents de Kinshasa prennent en charge la sanitation de la ville. Il précise les défis de santé rencontrés à Mbudi : « Nous avons constaté de nombreux cas de maladies telles que la diarrhée, le choléra et la gale, toutes issues d’une sanitation inadéquate. » Dr. Kambale indique que certains résidents de ces zones ont du mal à construire des latrines adéquates et que, lorsque les pluies d’inondation arrivent, tout est lavé dans les parcelles privées, où personne n’a désinfecté ou nettoyé les maisons affectées. « Notre établissement de santé a même enregistré des décès dus au paludisme parmi ceux contraints de dormir à l’extérieur pendant la période d’inondation cette saison des pluies, » note Dr. Kambale. Il exhorte les survivants de cette catastrophe naturelle à ne pas attendre que la situation se détériore. « Dès les premiers signes, ils devraient se déplacer vers des zones plus sûres éloignées de la rive pour protéger leur vie et rechercher immédiatement une aide médicale, » ajoute-t-il.

Impact économique et sociétal

Les inondations ont porté un coup sévère aux activités économiques locales, notamment le jardinage de marché, entraînant des pertes financières importantes. En 2022, les inondations ont été identifiées comme le deuxième événement climatique le plus coûteux financièrement, selon un rapport de l’ONG britannique Christian Aid. Ces inondations ont perturbé les activités socio-économiques, y compris l’approvisionnement en eau potable, avec plus des trois quarts de la population de Kinshasa privés d’accès à l’eau potable pendant plusieurs jours.

Solutions architecturales et initiatives communautaires

Célestin Muluba, architecte, propose de construire des digues et de mettre en place des systèmes de pompage pour rediriger l’eau de la rivière, ce qui pourrait protéger son quartier. « Le niveau de l’eau de la rivière Ndjili dépasse maintenant nos maisons ; nous sommes en dessous et la rivière est au-dessus. Nous avons urgemment besoin que le gouvernement construise des routes surélevées pour naviguer à travers ce désastre, » raconte Muluba. Il appelle le gouvernement congolais à construire une digue pour contenir les eaux montantes, permettant des voies secondaires en dessous et des gouttières pour canaliser l’eau loin de la population. Muluba exhorte également le gouvernement à appliquer des pénalités contre ceux qui jettent des déchets dans la rivière, les citant comme un facteur contribuant aux inondations de la rivière Ndjili. Cet article a été produit en partenariat avec InfoNile et avec le soutien financier de la Fondation JRS Biodiversity et du Programme de Partenariat pour l’Eau et le Développement d’IHE-Delft.

Par Denise Kyalwahi et Godet Bola.

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