Les 26 et 27 novembre 2024, la capitale congolaise, Kinshasa, a été le théâtre d’un atelier crucial pour la transparence et l’accès à l’information publique, organisé par la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (Corap) et le Centre congolais pour le droit du développement durable (Coded). L’événement a attiré une attention particulière sur l’un des projets phares de la République Démocratique du Congo (RDC), le Projet Grand Inga, un projet hydroélectrique d’envergure, mais aussi sur les défis liés à l’opacité qui entoure ces grandes initiatives.
Cet atelier avait pour objectif de promouvoir un accès élargi et transparent à l’information publique, particulièrement pour les projets à fort impact social et environnemental. Le cas du Grand Inga, actuellement au cœur des discussions nationales, a permis de mettre en lumière les obstacles rencontrés par les organisations de la société civile dans leur quête d’informations sur les projets de grande envergure. Ces derniers sont souvent considérés comme des “secrets d’État”, avec une gestion des documents qui fait défaut, empêchant ainsi toute forme de suivi, de contrôle ou de débat public.
Le rapport inédit de la Corap intitulé « Projet Grand Inga : un jeu de ping-pong perdu d’avance pour la RDC », présenté par Justin Mobomi, chargé des projets au sein de l’organisation, a été le point focal de la journée. Ce document fait état des défis structurels et politiques qui freinent le projet, dénonçant des problèmes de gestion et de manque de transparence. Le rapport souligne la complexité du projet, qui pourrait bien se transformer en un mirage si les conditions ne sont pas réunies pour une mise en œuvre efficace et équitable.
Les critiques portent sur le modèle du partenariat public-privé, une formule censée stimuler l’investissement tout en allégeant les finances publiques. Toutefois, dans un pays où la transparence reste un défi majeur, ces modèles risquent de profiter davantage aux investisseurs privés qu’à la population locale. Une inquiétude partagée par la société civile, qui craint que l’absence de transparence ne mène à des dérives financières et des engagements trop coûteux pour le pays.
En dépit de ces critiques, le projet Grand Inga reste un élément stratégique pour l’avenir énergétique de la RDC. Bruno Kapanji, ancien directeur général de l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga, a tenu à rappeler les enjeux majeurs de cette initiative. Selon lui, le projet est non seulement un levier pour la souveraineté énergétique du pays, mais aussi un moyen de pallier le déficit énergétique chronique, notamment dans la capitale Kinshasa, où les coupures de courant sont récurrentes. Kapanji a défendu l’idée que la réalisation du Grand Inga est indispensable pour l’industrialisation de la RDC, affirmant que ce projet représente l’unique solution viable pour accroître le taux d’accès à l’électricité et soutenir le développement industriel dans tout le pays.
Si la société civile n’est pas opposée à ce projet stratégique, elle insiste cependant sur la nécessité d’une gouvernance transparente et d’une meilleure gestion des informations. Depuis 2013, les documents clés relatifs au projet, tels que les contrats signés avec les partenaires internationaux et les études d’impact environnemental, n’ont jamais été rendus publics. Le traité signé avec l’Afrique du Sud, les études réalisées par Aecom et SDF France, ainsi que les accords de partenariat avec des consortiums étrangers, restent des mystères. Cette opacité empêche une véritable consultation populaire et fait peser des risques pour l’avenir de la RDC.
L’exemple des pertes financières liées au déficit énergétique, estimées à 31 milliards USD à l’horizon 2030, a également été cité comme un indicateur de l’urgence d’agir. Cependant, selon la société civile, les erreurs du passé ne doivent pas se répéter. Justin Mobomi a souligné que si le pays choisit de poursuivre le modèle actuel de financement, le projet risquerait de devenir une charge supplémentaire pour le peuple congolais, avec des conséquences à long terme sur l’économie et l’environnement.
Cet atelier a permis de poser des questions essentielles sur la nature même du projet Grand Inga : peut-il réellement transformer le pays et offrir des bénéfices durables à la population, ou s’agit-il d’un projet irréaliste qui pourrait devenir un fardeau pour les générations futures ? Ces interrogations sont cruciales pour assurer que la RDC ne se retrouve pas à la merci de projets qui, faute de transparence et de gestion rigoureuse, pourraient tourner au fiasco. La société civile appelle à une réflexion continue et à une contribution collective pour garantir que les grands projets d’infrastructure, comme celui du Grand Inga, soient menés dans le respect des principes de gouvernance démocratique, de transparence et de responsabilité sociale. Il est urgent de s’assurer que les décisions prises aujourd’hui n’engendreront pas de lourdes conséquences pour le pays et ses populations demain.
Par kilalopress