Le drame qui secoue les villages de Bokote et Lifumba, dans le territoire de Yahuma en République Démocratique du Congo, pourrait bien être bien plus qu’un simple conflit de délimitation forestière. C’est un signe inquiétant de la manière dont certaines initiatives environnementales, censées promouvoir la paix et la durabilité, risqueraient de se transformer en instruments de division, de violence et de déstabilisation.
L’ONG Tropenbos, qui mène des projets de gestion forestière dans cette région, pourrait, à son insu, être impliquée dans un processus potentiellement destructeur. La question se pose : la “gestion durable” des forêts, telle qu’elle est promue par ces ONG et entreprises, ne contribuerait-elle pas à exacerber les tensions entre communautés ? La délimitation des forêts, qui pourrait être perçue comme une démarche pacifique et équitable, semble avoir plongé les villages de Bokote et Lifumba dans un chaos inattendu. Là où l’on aurait pu espérer une gestion partagée et un avenir harmonieux pour les communautés locales, on observe une guerre de territoires. Le village de Bokote accuserait celui de Lifumba de ne pas posséder de forêts, ce qui pourrait être perçu comme un affront inacceptable dans une région où les droits ancestraux à la terre sont d’une importance capitale. Dès lors, tout aurait basculé.
Loin d’apaiser les tensions, cette délimitation pourrait avoir exacerbé la méfiance et l’hostilité entre les villages. Tropenbos et ses partenaires n’auraient-ils pas mal évalué les conséquences sociales et humaines d’une telle démarche ? L’ONG, qui se présente comme un acteur de la “gestion durable des forêts”, ne tiendrait-elle pas pour acquis un modèle de gestion totalement déconnecté des réalités sociales et culturelles locales ? Ce qui pourrait être vu comme une solution technique, fondée sur des cartes et des données, semble avoir conduit à des affrontements armés. Des habitants de Lifumba, frustrés et désespérés, auraient pris les armes et envahi Bokote, semant la violence, la terreur et la destruction. Des fusils, des machettes, des barrages improvisés… une militarisation des villages qui soulève une question essentielle : comment en sommes-nous arrivés là ? La logique de “gérer les forêts” par des moyens autoritaires et exogènes serait-elle la meilleure réponse aux défis locaux ? Ne vaudrait-il pas mieux privilégier un dialogue direct avec les communautés, dans le respect de leurs traditions et de leurs besoins, plutôt que de leur imposer une démarche technique censée résoudre des problèmes qu’elles ne jugent peut-être pas prioritaires ?
Ce qui pourrait n’être qu’un simple conflit local soulève néanmoins une problématique bien plus vaste : l’instrumentalisation des tensions en faveur d’intérêts économiques. Tropenbos et d’autres acteurs de la conservation ne seraient-ils pas, bien malgré eux, des pièces d’un puzzle où la rentabilité prime sur la stabilité des populations ? En Afrique centrale, où les ressources naturelles sont des atouts précieux, la gestion des forêts est devenue un secteur stratégique. Pour certains acteurs, qu’ils soient ONG ou entreprises privées, la rentabilité et les “certifications vertes” semblent avoir plus de poids que la protection effective des droits des communautés locales. Les tensions générées par ces délimitations ne seraient-elles pas également liées à des enjeux plus larges de marché et de pouvoir, où les communautés locales sont privées de voix dans les décisions qui affectent leurs terres et leurs vies ? Tropenbos, au même titre que d’autres acteurs du secteur, serait-elle en train de jouer un rôle secondaire dans un système où la gestion des ressources naturelles sert des intérêts économiques au détriment de la paix sociale et des droits humains ?
Les ONG, aussi louables soient leurs intentions, semblent parfois oublier qu’elles ne sont pas les propriétaires de la terre. Ce seraient les communautés locales qui auraient les premiers droits sur leurs terres, leurs forêts et leurs ressources. La véritable conservation ne passerait-elle pas par un respect inconditionnel de leurs savoirs ancestraux et de leurs droits coutumiers ? Pourtant, au lieu d’accepter cette réalité, certaines organisations imposeraient des modèles étrangers, prétendant mieux savoir ce qui est bon pour les populations locales. Les forêts de la RDC, tout comme d’autres écosystèmes dans le monde, ne pourraient être protégées en ignorant les communautés qui y vivent depuis des siècles. actuellement dans les deux parties de la RDC on observerais l’implantation de barrières de contrôle, pour raison, la collecte forcée de fonds au nom de la “sécurité”, et autodefense communautaire des peuples autochtones.
Il pourrait être urgent pour les organisations de conservation de reconsidérer leur approche et de repenser leur modèle de développement. Les initiatives de gestion durable des forêts ne devraient-elles pas, en premier lieu, préserver la paix sociale, la cohésion communautaire et la justice sociale ? Les communautés locales devraient-elles être exclues des décisions relatives à la gestion des ressources naturelles qui les concernent directement ? En RDC, ce ne sont pas seulement les forêts qui sont en jeu, mais aussi l’avenir des communautés qui en dépendent. Il serait peut-être temps de remettre l’humain au centre des préoccupations, afin d’éviter que les erreurs du passé ne se reproduisent.
Par kilalopress