Isiro, du 2 au 3 octobre 2025 — Pendant deux jours, la capitale provinciale du Haut-Uélé a vibré au rythme d’un atelier pas comme les autres. Loin des réunions de routine, cette rencontre a résonné comme une alarme : le Haut-Uélé, véritable couloir de passage pour les trafiquants d’espèces sauvages, a besoin d’actes, pas de discours.
Organisé par le PASA-RDC sous le haut patronage du gouvernement provincial, en partenariat avec l’ICCN, et financé par la Darwin Initiative du gouvernement britannique, l’atelier a réuni 40 agents de terrain — superviseurs de l’environnement, policiers, douaniers, magistrats, militaires, agents de la RVA, de l’OCC, de la PNC, des FARDC — ainsi que des chefs coutumiers, administrateurs de territoires et acteurs de la société civile. Objectif : renforcer leurs capacités face à la machine bien huilée du commerce illégal d’espèces protégées.
Derrière cette mobilisation, un constat accablant : des bébés chimpanzés arrachés à leurs familles, des parcs comme la Garamba et Maika-Penge vidés de leurs espèces, et des écosystèmes entiers fragilisés. Avec ses 787 km de frontière partagée avec le Soudan du Sud et un corridor ouvert vers l’Ouganda, le Haut-Uélé n’est pas seulement une région riche en biodiversité : c’est devenu une artère du crime environnemental, où prospèrent porosité des frontières, corruption et impunité.
Sur place, les sessions de formation ont mêlé théorie et pratique : présentations, simulations judiciaires, travaux de groupe et exercices d’identification grâce au Guide PASA, distribué à chaque participant pour faciliter la reconnaissance des espèces protégées et la gestion des preuves.

Les participants ont appris à repérer les signes du trafic — ivoire, peaux, viande de brousse, animaux vivants — et à monter des enquêtes capables d’aboutir à de véritables poursuites.
« Nous avions les textes, mais pas toujours les réflexes », confie un commandant local. « Aujourd’hui, nous sortons mieux outillés. »
L’atelier a aussi levé le voile sur la réalité brutale du terrain : la pression croissante sur la Garamba et Maika-Penge, les incursions armées venues du Soudan du Sud, la transhumance incontrôlée des Mbororo, souvent accusés d’avoir contribué à l’extermination du rhinocéros blanc en RDC, et surtout la logique perverse d’un profit élevé face à un risque judiciaire dérisoire.
Face à cette situation, le PASA a plaidé pour la création d’un réseau provincial d’alerte impliquant autorités administratives, services étatiques, chefferies et société civile. Trois émissions radio locales ont d’ailleurs été diffusées pour sensibiliser la population contre le braconnage, la consommation de viande de brousse, et la détention illégale d’espèces sauvages. Les intervenants ont insisté : l’application stricte de la loi n°14/003 sur la conservation de la nature et des conventions internationales comme la CITES n’est plus une option, mais une nécessité nationale.
En clôture, le gouvernement provincial a exhorté les participants à traduire la formation en actes concrets — interceptions, saisies, poursuites — et à briser le cercle vicieux de l’impunité qui alimente le crime faunique. Si Isiro a soufflé un vent d’alerte cette semaine, la suite dépendra de la capacité des institutions à transformer la parole en justice et à mobiliser les communautés locales pour défendre ce qui leur appartient : un patrimoine naturel qu’on ne récupère pas une fois vendu.
En séance tenante, les participants ont dressé un état des lieux lucide :
- Faible connaissance de la valeur de la biodiversité et des habitats naturels ;
- Mauvaise maîtrise des textes légaux sur la conservation en RDC ;
- Collaboration interinstitutionnelle insuffisante, souvent minée par des intérêts égoïstes favorisant la criminalité environnementale ;
- Présence alarmante d’espèces sauvages détenues illégalement dans les ménages d’Isiro et d’autres localités du Haut-Uélé.
Ce cri venu du Nord-Est du pays résonne comme un appel à la responsabilité collective : protéger la faune congolaise, c’est préserver une part de nous-mêmes.
Par kilalopress