Bandundu, l’octroi récent de 42 000 hectares de terres à la Compagnie Agropastorale du Congo (CAP Congo), une entreprise libanaise, a plongé la province de Kwilu dans une crise foncière majeure. Signé en août 2023, cet accord de 25 ans renouvelable avec le gouvernement provincial est au cœur d’une vive contestation de la part des fermiers locaux, qui accusent la société de destruction de leurs cultures et d’expropriation.
Le 28 août 2023, un protocole d’accord a été signé entre la province de Kwilu et CAP Congo pour l’exploitation de vastes étendues de terre dans le village de Mushie-Pentane. La société, financée par des investisseurs libanais, projette de développer une production agropastorale intensive sur ces terrains. Cependant, la contestation a émergé dès le début des travaux d’aménagement, en mai 2024, lorsque les premiers signes de perturbations dans les activités agricoles locales se sont manifestés.
En réponse à cette situation, environ 600 fermiers et agriculteurs se sont mobilisés à Bandundu, la capitale provinciale, le 15 juin 2024. Ils dénoncent une « occupation illégale » de leurs terres par CAP Congo et ont adressé un mémorandum au Président Félix Tshisekedi en juin 2024. Dans ce document, ils réclament l’annulation du protocole d’accord, affirmant que l’opération viole plusieurs lois congolaises, dont la Constitution et le Code forestier. Ils déplorent la destruction de leurs kraals (abris pour le bétail), de cultures vivrières, et de ressources naturelles comme les graviers et la latérite, tout en soulignant des atteintes à leurs droits d’accès à l’eau et des menaces physiques.
Le gouvernement provincial, représenté par le ministre Alpha Luma, soutient que les terres en question étaient déjà réservées pour des projets agroindustriels depuis 1954. Luma affirme que les terres ont été illégalement attribuées aux fermiers par des chefs traditionnels, et que ces derniers ont frauduleusement vendu ces propriétés appartenant à l’État. Selon Luma, des tentatives antérieures d’accords avec des entreprises étrangères, comme celle avec l’entreprise israélienne Platinium Sarl en 2006, avaient échoué, laissant les terres toujours sous le contrôle de l’État.
Une réunion de conciliation a eu lieu le 21 juin 2024, visant à résoudre le conflit. Une commission a été mise en place pour examiner les revendications des parties. Toutefois, malgré cette démarche, les activités de CAP Congo se poursuivent. Jean Bosco Mukinzi, représentant de l’entreprise, minimise les tensions en affirmant que l’entreprise est engagée dans le développement agricole et la création d’emplois pour la région.
Le conflit sur l’exploitation des 42 000 hectares soulève des questions cruciales sur la gestion foncière en République Démocratique du Congo. Pour rappel, cette société est à la base d’un autre conflit à LUBUNGA qui, à ce jour, a déjà fait plusieurs morts et déplacés internes dans la province de la Tshopo. En ce jour, des milliers de familles vivent sous les étoiles. Les défenseurs et journalistes sont tous réduits au silence face à ce conflit. À en croire certains observateurs contactés par la rédaction de Kilalopress, la discordance entre les pratiques coutumières locales et les textes législatifs modernes met en lumière les défis complexes de la gouvernance foncière dans le pays.
La crise actuelle pourrait servir de catalyseur pour réévaluer et renforcer les politiques foncières, afin d’assurer une meilleure protection des droits des communautés locales tout en facilitant le développement économique. Cette situation illustre la nécessité de trouver un équilibre entre développement industriel et préservation des moyens de subsistance des populations locales, un enjeu crucial pour l’avenir de ces deux provinces.
Par Franck zongwe Lukama