RDC : Projet du Pont Route-Rail Kinshasa-Brazzaville entre délire de prestige et suicide économique

Kinshasa/Brazzaville – 18 janvier 2025 — La construction du pont route-rail reliant Kinshasa à Brazzaville, un projet d’envergure de 700 millions de dollars, fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre et divise de plus en plus l’opinion publique. Un mois après sa relance officielle par les gouvernements congolais et congolais-brazzavillois, l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) se dresse contre cette initiative, et met en garde contre une fuite en avant économique et géopolitique qui pourrait coûter cher au peuple congolais.

Dans un communiqué, dont une copie est parvenue à Kilalopress l’ACAJ n’a pas mâché ses mots en qualifiant ce projet de « détourner d’une priorité stratégique majeure ». L’association dénonce une « impasse géostratégique » qui risquerait de renforcer la dépendance de la RDC vis-à-vis des infrastructures portuaires étrangères, tout en négligeant une question vitale : le port en eaux profondes de Banana. Ce projet, auquel la RDC a attribué une importance capitale, est censé offrir un accès direct à l’océan Atlantique, réduire les coûts de transport et redonner à la RDC son indépendance maritime. Or, paradoxalement, les travaux du port de Banana stagnent, alors que le projet du pont est relancé.

La première pierre du port de Banana a été posée en janvier 2022 par le président Félix Tshisekedi, et pourtant, plus de deux ans après, l’infrastructure est toujours à l’arrêt. Une situation que l’ACAJ considère comme une violation flagrante des engagements pris par le président, qui avait pourtant juré que « les travaux du pont ne commenceraient pas avant l’achèvement du port de Banana ». Ce retard, argue l’ACAJ, s’apparente à un « reniement » d’un engagement solennel de la part des plus hautes autorités du pays.

Mais au-delà des préoccupations économiques et géostratégiques, l’ACAJ met également en lumière des zones d’ombre liées aux intérêts privés qui semblent guider certaines décisions. L’association dénonce ce qu’elle appelle un « lobby d’affairistes congolais » qui œuvrerait activement pour empêcher l’achèvement du port de Banana, tout en favorisant des concessions opaques pour le port de Matadi. Ces acteurs économiques, qui auraient joué un rôle clé dans l’attribution de plusieurs quais à un opérateur privé, seraient de mèche avec des multinationales comme Bolloré, déjà fortement implantées à Pointe-Noire, le port voisin du Congo-Brazzaville. Pour l’ACAJ, la question est claire : qui profite réellement de ce blocage stratégique ? Est-ce l’avenir économique de la RDC, ou celui de groupes d’intérêts privés, prêts à sacrifier la souveraineté économique du pays au profit d’une multinationale étrangère ?

L’aspect le plus polémique reste sans doute l’impact géopolitique de la réalisation de ce pont avant l’achèvement du port de Banana. Si la RDC se précipite à construire une infrastructure symbolique comme ce pont, sans garantir une autonomie portuaire nationale, elle se condamnerait à renforcer les intérêts du voisin congolais et de la multinationale française Bolloré. En effet, sans un port en eaux profondes opérationnel, ce sont bien les infrastructures de Pointe-Noire qui capteront la majeure partie des flux commerciaux. L’ACAJ souligne qu’en l’absence d’un port compétitif à Banana, la RDC ne ferait que renforcer le monopole du port congolais de Pointe-Noire, au détriment de son propre développement économique.

L’ACAJ lance un appel direct au Parlement, lui enjoignant de rejeter ce projet de pont route-rail tant que la question du port de Banana reste en suspens. Les députés et sénateurs de la République Démocratique du Congo sont ainsi appelés à défendre l’indépendance économique et à exiger des réponses claires sur les retards qui frappent l’un des projets d’infrastructure les plus stratégiques du pays. La RDC ne peut plus se permettre d’être dépendante de l’étranger pour ses routes maritimes. Si le gouvernement ne rectifie pas sa trajectoire, il pourrait bien voir ce projet de pont devenir l’un des symboles de son incapacité à servir les intérêts des Congolais, tout en succombant à la pression de puissants groupes économiques étrangers.

L’ACAJ a enfin mis en garde contre une politique « suicidaire » qui détournerait l’attention des véritables enjeux de développement national pour privilégier une « vitrine » de prestige. En fin de compte, le peuple congolais pourrait bien être la principale victime d’une guerre de pouvoirs et d’intérêts occultes. À qui profite cette course folle au pont ? La question reste ouverte.

Par kilalopress

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