À 6h00 précises, chaque vendredi, les portes des marchés de Watsa se ferment, conformément à l’initiative « Watsa Bopeto ». Pourtant, derrière cette mesure censée redonner vie à la cité, un spectacle désolant s’impose : des sacs plastique éventrés, des détritus éparpillés et des eaux stagnantes qui jalonnent les artères. Lancé par l’administrateur territorial CT Dieudonné Magayi Misa, ce projet ambitieux devait transformer Watsa en modèle de propreté. Un an plus tard, le bilan est accablant : la ville étouffe sous les ordures. Comment un tel désastre a-t-il pu éclore sous le vernis d’un projet prometteur ?
La salubrité urbaine n’est pas un luxe, mais un droit fondamental. À Watsa, l’insalubrité croissante expose la population à des risques sanitaires critiques. « Les maladies hydriques augmentent, surtout chez les enfants », alerte Dr Aminata, infirmiere titulaire dans un centre de santé de la place. Les marchés, cœur économique de la cité, se vident progressivement. « Les clients fuient les odeurs et les mouches », déplore Pascaline, vendeuse de produits alimentaires. Ce déclin économique aggrave la précarité, dans une région où le chômage frôle les 40%.
Mais au-delà des chiffres, c’est la relation entre les citoyens et leurs dirigeants qui se délite. « Où sont les bennes à ordures promises ? Pourquoi personne ne nous consulte ? », interroge MBALE, habitant du quartier Bakanzia. En ce jour la défiance s’installe, nourrie par l’absence de résultats tangibles. Et si l’échec de « Watsa Bopeto » révélait une crise plus profonde : celle de la gouvernance locale ?
Le concept semblait pourtant solide : trois heures hebdomadaires de nettoyage obligatoire, encadrées par les autorités. Mais sur le terrain, le dispositif montre rapidement ses failles. Aucun système de collecte post-nettoyage n’a été prévu. « On balaie devant nos boutiques, mais les camions ne passent jamais », explique Tembo Lucia, une commerçante locale. Pire, la fermeture forcée du vendredi matin pénalise les petits vendeurs, qui contournent la règle en payant des pots-de-vin.
L’exemple du Grand marché de Duembe, à Durban, illustre cette spirale infernale. Là-bas, malgré des investissements initiaux, l’absence de suivi a transformé l’espace en dépotoir. « Les projets de salubrité échouent souvent par manque de participation communautaire », analyse d’un expert en développement urbain de cette partie du pays. À Watsa, aucune campagne de sensibilisation n’a accompagné le projet. Résultat : les habitants perçoivent « Watsa Bopeto » comme une corvée imposée, non comme un effort collectif.
Face à ce chaos, le silence de CT Dieudonné Magayi Misa interroge. Pourquoi n’a-t-il pas organisé de réunions publiques pour expliquer le projet ? Pourquoi aucun budget complémentaire n’a-t-il été débloqué pour les équipements de base ? Certains y voient un désintérêt pour les réalités quotidiennes. « Il a lancé le projet comme on coche une case administrative, sans conviction », accuse un fonctionnaire sous couvert d’anonymat. D’autres évoquent des lourdeurs bureaucratiques ou un manque de moyens. Mais dans un contexte où la santé publique est en jeu, ces excuses sonnent creux.
La tragédie de Watsa n’est pas une fatalité. Elle exige une révision courageuse de la stratégie : associer les habitants à la prise de décision, investir dans des infrastructures durables, et instaurer un suivi transparent. Comme le rappelle Fatou Sow, militante écologiste : « La propreté d’une ville se mesure à l’engagement de ses dirigeants et de ses citoyens. »
Par Patrick kawawa