La région du lac Kivu, au cœur des Grands Lacs africains, a subi d’importantes transformations dans l’utilisation des terres au cours des dernières décennies.
Un rapport détaillé sur les changements d’utilisation des terres (LULCC) dans le bassin du lac Kivu, de 1990 à 2020, met en lumière les dynamiques complexes derrière ces évolutions, révélant un mélange de pressions politiques, socio-économiques et environnementales. L’étude, réalisée à partir d’images satellites et de modélisations avancées, montre une perte significative de la couverture forestière, réduite de 26,6 % à 18,7 % entre 1990 et 2000. Cette diminution est largement imputée aux conflits politiques, notamment le génocide rwandais de 1994 et les guerres civiles en République Démocratique du Congo. L’expansion agricole, qui a presque doublé pendant cette période, a été une réponse directe à l’afflux de réfugiés et aux besoins croissants en nourriture et en énergie. Les décennies suivantes ont marqué un tournant avec une reprise progressive de la couverture forestière, atteignant 24,8 % en 2020. Cette réhabilitation est le fruit des politiques de développement durable du Rwanda, qui ont mis en avant la gestion intégrée des ressources naturelles et la conservation des écosystèmes.
Les transformations des paysages ont des répercussions profondes sur les communautés locales, notamment les femmes rurales et les peuples autochtones. Aline, une agricultrice de la sous région qui a souhaité garder l’anonymat, témoigne : « Nous avons vu beaucoup de nos terres forestières disparaître pour faire place à l’agriculture. Cela a été difficile pour nous, car nous dépendons des forêts pour le bois de chauffage et la construction de nos maisons. Aujourd’hui, même si nous avons plus de terres agricoles, nous manquons de ressources essentielles pour nos foyers. »
Cette perte de terres forestières a des impacts directs sur les femmes qui gèrent souvent les tâches quotidiennes liées à la récolte du bois et à l’entretien des terres. Les peuples autochtones, quant à eux, voient leurs territoires traditionnels réduits, ce qui menace leur mode de vie et leurs pratiques culturelles. Les projections futures montrent que le bassin du lac Kivu pourrait suivre différentes trajectoires en fonction des politiques adoptées. Les scénarios indiquent que le maintien des initiatives de croissance verte (GGE) pourrait favoriser la conservation continue des forêts tout en soutenant un développement équilibré. En revanche, les scénarios d’expansion urbaine (DAA) pourraient aggraver les conflits entre urbanisation et conservation. Recommandations clés :
- Renforcement des Politiques de Conservation : Continuer et approfondir les efforts de reboisement et de gestion durable des forêts, en veillant à leur intégration dans les plans de développement économique.
- Inclusion des Communautés Locales : Associer les communautés rurales et les peuples autochtones dans les processus de décision concernant l’utilisation des terres, afin de concilier leurs besoins et les objectifs de conservation.
- Adaptation aux Changements Environnementaux : Développer des stratégies pour gérer les risques environnementaux croissants tels que les inondations et l’érosion, en intégrant des pratiques de gestion durable des sols et des ressources en eau.
- Promotion de la Recherche et de l’Innovation : Encourager des études approfondies pour mieux comprendre les impacts des changements d’utilisation des terres sur les écosystèmes et les communautés locales, et adapter les politiques en conséquence.
Les transformations des paysages autour du lac Kivu illustrent les défis complexes auxquels la région est confrontée, entre la nécessité de développement économique et les impératifs de conservation environnementale. Les efforts de reboisement et les politiques de croissance verte offrent des perspectives encourageantes pour l’avenir. Toutefois, il est crucial d’adopter une approche intégrée qui respecte les droits des communautés locales tout en poursuivant des objectifs de durabilité écologique. Cette étude souligne l’importance d’une gestion proactive et collaborative des ressources naturelles pour garantir un avenir résilient et durable pour le bassin du lac Kivu. Les recommandations fournies visent à équilibrer les besoins croissants de la population avec la préservation des écosystèmes, tout en assurant la participation active des communautés dans le processus de décision.
La Rédaction
