Le 10 septembre 2024 marque un tournant dans le secteur touristique de la République Démocratique du Congo (RDC), avec le lancement officiel du « Forum de validation de la Politique Nationale du Tourisme » (PNT). Sous l’égide du ministre du Tourisme, Didier M’piamba Musanga, cette rencontre s’est tenue à Kinshasa en présence de hauts responsables gouvernementaux, d’experts en environnement et d’invités de marque, tous unis par une même ambition : transformer le secteur touristique congolais en moteur de développement économique.
Lors de son discours inaugural, Didier M’piamba a souligné l’importance de la vision du président Félix Antoine Tshisekedi, qui envisage le tourisme comme un pilier de l’économie nationale diversifiée. Ce forum de trois jours a pour objectif de fédérer les énergies des acteurs du secteur pour enrichir et valider une politique nationale susceptible d’attirer les investissements, d’améliorer les infrastructures et de créer des milliers d’emplois. Toutefois, derrière cette initiative se cachent des défis complexes qui méritent une analyse plus profonde.
L’un des défis majeurs évoqués est la gestion de la situation foncière et des infrastructures. En RDC, l’accès à de nombreux sites touristiques est limité en raison de l’état des routes et de l’éloignement géographique. Par ailleurs, la question de l’obtention des visas et les coûts de transport élevés freinent le développement touristique, tant pour les touristes internationaux que pour les riverains vivant à proximité des aires protégées. Ces obstacles créent un écart significatif entre la vision stratégique du gouvernement et la réalité vécue par les populations locales, notamment celles résidant autour des parcs nationaux et des réserves naturelles. Ces communautés, souvent marginalisées, sont confrontées à un dilemme complexe : comment bénéficier du tourisme sans sacrifier leur accès aux terres ou aux ressources naturelles dont ils dépendent pour leur subsistance ? En effet, le développement des infrastructures touristiques et la création de “villages touristiques”, tels que mentionnés par le ministre, risquent de provoquer des tensions foncières et d’accroître la pression sur les écosystèmes déjà fragiles.
La Politique Nationale du Tourisme promet de générer des recettes annuelles de l’ordre de 7 milliards de dollars d’ici 2023, tout en contribuant à la création de 200 000 à 500 000 emplois. Si ces chiffres sont prometteurs, ils posent aussi la question de la durabilité des projets annoncés. Comment s’assurer que les populations locales bénéficieront directement de cette manne économique sans être laissées pour compte ? Le développement touristique, notamment autour des aires protégées, doit tenir compte des besoins des riverains en matière d’emploi, d’infrastructures de base, et de conservation de la biodiversité.
Un autre point crucial réside dans les partenariats public-privé et le rôle des bailleurs de fonds. Ces derniers, bien que déterminants pour la relance du secteur touristique, peuvent parfois imposer des conditions qui ne répondent pas aux réalités locales. La crainte d’une exploitation touristique non contrôlée, où les bénéfices iraient principalement à des investisseurs étrangers ou à l’élite nationale, est palpable parmi les communautés locales. Selon certains analystes congolais, ce Forum de validation de la Politique Nationale du Tourisme en RDC est une initiative ambitieuse qui pourrait transformer l’économie du pays. Cependant, pour que cette politique soit un véritable levier de développement durable, elle doit impérativement répondre aux besoins des populations locales et riveraines des parcs. La conservation de la biodiversité, l’équité dans la répartition des richesses générées, et l’amélioration des conditions de vie des communautés doivent rester au cœur des débats. À défaut, le risque est grand de voir le tourisme se transformer en un nouvel outil de marginalisation sociale et environnementale, loin des promesses d’une prospérité partagée.
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