RDC : Restitution de la Recherche « La Ruée Verte » : Les communautés de l’Equateur s’engagent pour une gestion durable des forêts

Du 12 au 13 juin 2025, les communautés de Penzélé, Lokolama et Mbandaka, en République Démocratique du Congo, ont participé à une série d’activités de restitution préliminaire de la recherche « La Ruée Verte », menée par la Rainforest Foundation UK (RFUK), en collaboration avec l’ONG Action pour la Promotion des Peuples et Espaces Menaces (APEM) et le Groupe d’Action pour Sauver l’Homme et son Environnement (GASHE). Ces rencontres, empreintes d’émotion, de prises de conscience et d’espoir, ont permis de présenter les résultats à mi-parcours d’une recherche-action participative menée à l’échelle nationale sur les impacts des projets de crédits carbone en RDC.

Une matinée chargée d’émotion

Il est 8h du matin à Penzélé. Le soleil se lève doucement sur le village encore enveloppé d’une fine brume. Dans les ruelles animées par les cris d’enfants et les pas pressés des habitants, Fahida se hâte, un cahier à la main. Elle ne veut surtout pas être en retard. En 2024, elle a activement contribué aux discussions et attend avec impatience les conclusions.

Dans la salle communautaire, les chaises en plastique sont vite occupées. Les visages sont graves, concentrés. Après une prière collective empreinte de solennité, Madame Vittoria Moretti, chargée de plaidoyer à la RFUK, prend la parole. Avec calme et clarté, elle retrace les étapes du projet, expliquant les objectifs, la méthodologie, et surtout, le rôle crucial des communautés dans cette démarche.

Puis vient le moment fort : la projection du documentaire. Dans l’obscurité, les regards restent figés sur l’écran. Des murmures, parfois des larmes, ponctuent la séance. Jean-Baptiste, un agriculteur connu pour sa discrétion, se lève, la voix chargée :

« Le film m’a ouvert les yeux sur les injustices que nous subissons. Nos terres sont exploitées sans notre consentement, et les bénéfices nous échappent. »

Un autre participant, ému, s’exprime ainsi :

« Pour moi, c’est une grande joie de vous revoir pour cette restitution. Lorsque nous faisions les dialogues l’année passée, nous n’espérions plus vous revoir, comme c’est le cas avec d’autres initiatives. Après avoir vu les résultats, je me sens comblé par la fidélité et l’exactitude avec lesquelles ils ont été présentés. Ce que je vous demande, c’est d’amener ces résultats et cette vidéo partout dans le monde, pour que l’on voie comment certaines sociétés viennent auprès des communautés forestières pour les tromper. »

Sous les applaudissements qui résonnent dans la pièce, Joseph Lofole de GASHE se lève à son tour. Il encourage les échanges, incite les participants à proposer des actions concrètes et que leur voix soient entendues afin de garantir une majeur transparence .

Entre colère et détermination

Quelques heures plus tard, à Lokolama, les cris des enfants résonnent à l’entrée du village. L’atelier commence dans une atmosphère à la fois tendue et solennelle. Des chefs coutumiers en tenue traditionnelle prennent place aux premiers rangs, entourés de membres des organisations partenaires.

Comme à Penzélé, Vittoria Moretti présente les résultats de la recherche. Lors de la projection du documentaire, l’ambiance devient électrique. Les révélations choquent.

Léon, un chef de village de Ékélé au regard perçant, se lève soudainement, sa voix forte brisant le silence :

« Ce film révèle des vérités que nous ignorions sur les cadres normatifs liés à ce marché carbone. Il est temps que les responsables rendent des comptes. »

Il ajoute, avec force :

« Je suis très content de voir, dans ce rapport, comment les jeunes de mon village Ékélé ont été impliqués dans ce film. Nous entendons parler de “carbone” et de “crédits carbone”, mais l’essentiel ne nous est pas visible. Ce que j’apprécie, c’est notre implication dans toutes les étapes de la recherche. Je recommande que nous, gardiens de la coutume, soyons formés convenablement afin de maîtriser l’importance du marché carbone. »

Dans la cour, autour de petits groupes animés, des discussions s’organisent. Une habitante de Zelanga prend la parole :

« Après cette recherche, nous serions ravis de vous voir apporter des solutions sous forme de projets concrets. Ici, il n’y a ni école, ni hôpital. Les défis persistent, mais nous espérons que nos recommandations iront jusqu’aux décideurs. »

Au cœur de la gouvernance

Le dernière séance se tient dans l’après-midi à Mbandaka, dans la salle de la société civile, a la présence de quelque membres du gouvernement provinciale et de membres de la société civile. L’atmosphère y est plus formelle, mais tout aussi tendue.

Les résultats de la recherche sont exposés avec rigueur par Madame Moretti, mettant en évidence les failles dans la gouvernance des projets de crédits carbone. La projection du film vient comme un choc pour certains participants. Silencieux jusque-là, Pierre, un représentant de la société civile, prend la parole d’un ton grave :

« Ce film est un miroir de notre réalité. Il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités. »

Joseph Lofole, toujours aussi posé, guide les échanges avec fermeté. Des propositions concrètes émergent : renforcement des mécanismes de consultation préalable, meilleure répartition des bénéfices, contrôle indépendant des projets, implication effective des femmes dans les négociations et prise en compte de leur desiderata.

Un participant de Kalamba conclut :

« Ces marchés carbone, nous en avons débattu ici, mais jusqu’à présent, on ne sait pas où se situe le gouvernement. Le monde entier parle de marché carbone, mais nous, les peuples autochtones, ne voyons toujours rien. Il y a un grand manque de sérieux. »

Une étape cruciale

Ces échanges ont permis aux communautés de s’exprimer librement, de mettre des mots sur leurs frustrations, et surtout, de proposer des solutions pour une gestion durable de leurs ressources. Les recommandations formulées seront intégrées au rapport final de la recherche et dans le film avant d’être publiées et présentées aux décideurs a niveau nationale et internationale. Une étape de plus vers la reconnaissance des droits des communautés forestières en RDC.

Par Kilalopress

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

%d blogueurs aiment cette page :