Kinshasa, 12 mai 2025 – Le 21 mai 2025, les premiers coups de pioche de la phase exploratoire retentiront dans le territoire de Luozi, au cœur du Kongo Central. Derrière cette date que le gouvernement brandit fièrement comme une avancée stratégique, se cachent des craintes, des doutes, et une colère sourde qui monte des collines et vallées de Luozi. À travers les mots rodés des ministres et des porte-paroles, se dessine une réalité beaucoup plus complexe : celle d’un peuple qui n’a pas été écouté.
Lors de la 43e réunion du conseil des ministres, Kizito Pakabomba, ministre des Mines, a annoncé ce nouveau projet minier avec une assurance déconcertante. Selon lui, l’exploitation des gisements de manganèse en partenariat avec Asia Mineral Limited (AML), une société japonaise, serait un “levier puissant de transformation économique”, promettant deux millions de tonnes de production annuelle.
Mais sur le terrain, les mots du ministre résonnent comme un écho lointain, déconnecté. Contactée par KilaloPress sur cette question, Louise N’sula, une agricultrice de 46 ans, habitante de Mbanza-Ngungu, confie : “Ils nous parlent d’économie nationale, mais ici, on parle de nos terres, de notre rivière qui va être polluée, de nos enfants qui vont quitter l’école pour aller casser des cailloux.”
Les promesses de “création d’emplois” et de “transformation territoriale” paraissent bien abstraites face à l’opacité du projet et au silence radio des autorités locales sur les compensations, les mesures environnementales ou les garanties sociales.
À première vue, le discours officiel semble rassurant. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, évoque une “diversification des partenaires et des ressources”. Ce langage technique, presque bureaucratique, masque cependant une vérité plus brutale : aucune étude d’impact environnemental n’a encore été rendue publique, et les consultations communautaires sont quasiment inexistantes.
Contacté sur ce sujet, l’un des chefs coutumiers de Luozi, ayant requis l’anonymat, déplore : “On a entendu des rumeurs sur cette decision prise a kinshasa, des réunions sur nos droits entre autorités et les Japonais, mais de toutes ces autorites de kinshasa personne n’est venu nous demander ce qu’on en pense. Ce n’est pas ça que nous voulons, le développement. C’est une occupation.”
Ce n’est pas la première fois qu’en RDC les communautés voient débarquer un investisseur étranger avec des valises pleines de promesses. Mais derrière chaque mine exploitée se cachent souvent des populations déplacées, des nappes phréatiques contaminées, des forêts rasées. AML est peut-être le septième exportateur mondial de manganèse selon ce qui est ressortis de cette reunion de ministre. Mais que sait-on réellement de ses engagements éthiques ? Quels contrôles indépendants seront mis en place ? Qui surveillera la qualité de l’air, de l’eau, la santé des enfants vivant à proximité des mines dans cette partie de Luozi?
Julien l’un des jeunes de la socité civile de Matadi, également contacté dans un entretient téléphonique par notre rédaction, résume cette inquiétude partagée : “On ne veut pas revivre ce qui s’est passé à Tenke ou à Kolwezi. On a vu ce que les minerais apportent : la richesse pour certains, la misère pour d’autres.” Le ministre parle de “transformation territoriale”, mais des analystes s’interrogent de quelle transformation parle-t-on lorsque les terres arables disparaissent au profit des carrières et des commisions ministerielles derière ce projet ? Lorsque les communautes se verront obligé de quitter leurs maisons sans garantie de relogement ? Lorsque l’électricité produite par le projet ne dessert même pas les villages alentours ? Dans l’opinion public plusieurs congolais, ce projet semblerait taillé sur mesure pour les hommes en cravates et leurs amis present dans les marchés internationaux, mais jamais pourpour les Congolais.
Il est temps de poser les bonnes questions. Pourquoi le gouvernement se précipite-t-il sans cadre clair de protection des populations ? Pourquoi les communautés locales sont-elles toujours les dernières informées, voire jamais consultées ? L’exploitation des ressources ne devrait-elle pas être une co-construction avec ceux qui vivent sur ces terres depuis des générations ?
Nous ne sommes pas contre le développement. Mais pas ce développement-là. Pas un modèle minier qui s’enrichit de nos silences, de nos absences et de nos sacrifices. Ce n’est plus tenable.
Une mère de famille, interrogée par KilaloPress tout en tenant son bébé sur les genoux, ironise : “Si le ministre veut vraiment transformer Luozi, qu’il commence par y envoyer des écoles, des hôpitaux, et qu’il boive l’eau que nous buvons après que la mine aura commencé.”
À Luozi, ce ne sont pas seulement des minerais qui sont enfouis sous la terre. Ce sont des vies, des cultures, des histoires. Exploiter sans écouter, c’est creuser des fractures bien plus profondes que celles des mines. Ces derniers veulent voir le gouvernement revoir sa copie. Et cette fois ci, pas dans les salons climatisés de Kinshasa, mais sur le terrain, dans la poussière, avec ceux qui vivent chaque jour les conséquences de leurs décisions.
Par Franck zongwe lukama