Walungu : les femmes brisent le silence et labourent pour leurs droits

Sous les collines verdoyantes de Luciga, dans le territoire de Walungu, un murmure est monté de la foule. Près de 800 femmes, certaines portant leurs bébés sur le dos, d’autres vêtues de pagnes délavés par le labeur des champs, se sont rassemblées sous une grande bâche en plastique. Ce jour-là, elles ne réclament pas des privilèges. Elles demandent justice.

Elles labourent, sèment, récoltent, nourrissent leurs familles, mais restent absentes des décisions qui façonnent leur quotidien. Pas de droit à l’héritage, pas de mot à dire quand un mari vend un champ ou une chèvre. Et même l’argent qu’elles gagnent à la sueur de leur front leur échappe souvent, confisqué au nom de la paix du foyer.

« Nous souffrons, nous femmes. Nous n’avons même pas droit à l’héritage, alors que c’est l’un des principaux moyens d’accéder à la terre. Les biens de nos ménages sont vendus dans les bars sans que nous soyons consultées. Nous cherchons l’argent difficilement, mais n’avons pas droit à sa gestion, de peur de perdre le mariage », lâche une femme de Walungu, la voix tremblante, mais chargée d’une force contenue. Son cri du cœur fend le silence et fait hocher plusieurs têtes dans la foule.

Cette parole libérée a trouvé écho lors d’une séance de sensibilisation sur le genre et l’accès des femmes à la terre, organisée le 22 octobre 2025 par le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) dans le cadre du projet Beans for Women Empowerment (B4WE). Soutenu par le gouvernement canadien et mis en œuvre avec l’appui d’organisations locales, ce projet mise sur une idée simple mais révolutionnaire : qu’aucune transformation agricole durable n’est possible sans les femmes.

En s’appuyant sur la culture du haricot comme levier économique, le B4WE entend renforcer l’autonomie financière des femmes rurales, tout en sécurisant leur droit à la terre et leur place dans les prises de décision. « Le changement commence à la maison », résume Hosny Dunia, ingénieur agronome et représentant du CIAT, invitant les communautés à « construire des foyers où hommes et femmes avancent ensemble, sans que l’un domine l’autre ».

Sous l’arbre à palabres du village, le chef du groupement de Luciga, Christian Boyinkebe, a lui aussi lancé un appel vibrant à la réconciliation des mentalités : « Nous devons dépasser nos coutumes quand elles deviennent des chaînes. La terre n’a pas de sexe. Si les femmes produisent, elles doivent aussi décider. »

Les facilitateurs Cirhuza Alain et Badesire Jean Claude ont rappelé que la stabilité des ménages passe par la participation équitable de tous. Les échanges ont parfois été vifs, mais porteurs d’espoir : dans cette partie du Sud-Kivu, le dialogue reste la première semence d’un changement profond.

La rencontre, soutenue par GAP et FOPAC, s’est achevée sur une note symbolique : une poignée de haricots distribuée à chaque participante, comme promesse d’un avenir à cultiver ensemble. Ces petits grains, métaphore d’un combat immense, rappellent que les femmes de Walungu ne veulent plus être des ombres dans les champs, mais des actrices à part entière de la justice foncière. À Walungu, la terre est un champ de bataille silencieux. Et désormais, ce sont les femmes qui y plantent les graines de leur dignité.

Par kilalopress

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