Alors que les forêts de la République démocratique du Congo (RDC), poumon vert de l’Afrique, continuent de brûler sous les feux croisés des conflits armés, l’Union européenne (UE) vient de marquer un coup d’éclat géopolitique.
Lundi 24 février, Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, a annoncé la suspension des consultations militaires avec le Rwanda, accusé de soutenir les rebelles du M23 dans l’Est congolais. Une décision qui interroge autant qu’elle soulage, tant les enjeux environnementaux et économiques liés à cette région riche en minerais critiques restent opaques.
« Les consultations sur les questions de défense avec le Rwanda sont suspendues », a déclaré Kallas, ajoutant que des sanctions pourraient suivre si Kigali persiste à déployer ses troupes en RDC. Derrière cette fermeté affichée, un autre dossier brûle : le protocole d’accord entre l’UE et le Rwanda sur les matières premières critiques, essentiels à la transition énergétique européenne. Cobalt, lithium, coltan… Ces minerais, extraits souvent au prix d’une dévastation écologique et de violations des droits humains en RDC, alimentent pourtant les ambitions vertes de Bruxelles.
La décision européenne survient après des mois de pressions internationales croissantes. La semaine dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU a explicitement pointé le Rwanda, tandis que les États-Unis ont sanctionné deux figures clés : James Kabarebe, ex-général et ministre rwandais, et Lawrence Kanyuka, porte-parole du M23. La Belgique, ancienne puissance coloniale, a aussi rompu sa coopération militaire avec Kigali. Une coalition de pays occidentaux, regroupés dans le Groupe de contact international pour les Grands Lacs, exige désormais un retrait « immédiat » des troupes rwandaises. Si l’UE se pare d’une posture vertueuse, ses contradictions sautent aux yeux. Le Rwanda, bien que minuscule, est un partenaire stratégique dans la course aux minerais. En 2023, l’UE a signé un accord avec Kigali pour sécuriser l’accès à ces ressources, tout en fermant les yeux sur les allégations récurrentes de pillage des richesses congolaises. Aujourd’hui, la suspension des consultations militaires risque-elle de faire vaciller ce partenariat économique ? Rien n’est moins sûr.
« L’UE prévoit de réexaminer son protocole sur les matières premières », glisse Kallas. Un euphémisme. Car derrière les déclarations morales, c’est bien la peur de perdre un accès privilégié à ces minerais qui motive Bruxelles. La RDC, dont les sols regorgent de minerais essentiels aux batteries et énergies renouvelables, reste un champ de bataille où puissances étrangères et groupes armés se disputent le contrôle des terres. Entre déforestation, pollution des sols et déplacements massifs de populations, le coût environnemental et humain est colossal. Les sanctions et suspensions actuelles sont-elles autre chose qu’un cautère sur une jambe de bois ? En ciblant Kigali, l’Occident évite soigneusement de s’attaquer au cœur du problème : une économie mondiale vorace, prête à sacrifier écosystèmes et vies humaines pour alimenter sa transition verte. Tant que la demande en minerais critiques ne sera pas découplée de pratiques extractives destructrices, les conflits comme celui en RDC persisteront.
En suspendant sa coopération militaire, l’UE envoie un signal. Mais sans un réexamen honnête de ses propres accords économiques et une vraie politique de traçabilité des minerais, ce signal restera un coup d’épée dans l’eau. Les forêts congolaises, elles, continueront de brûler.
Par kilalopress