RDC–Tchad : Quand Kinshasa signe avec African Parks, N’Djamena claque la porte

Kinshasa, 6 octobre 2025 — Ironie du calendrier ou avertissement diplomatique ? Alors que le Tchad vient de rompre brutalement ses accords avec African Parks Network (APN) pour « manquements graves », la République démocratique du Congo choisit, elle, d’en renforcer la présence en lui confiant la cogestion du Parc national de Kundelungu, dans le Haut-Katanga.
Une coïncidence qui interroge sur la vigilance du pays face à une ONG désormais contestée ailleurs sur le continent.

Dans un communiqué officiel signé le 6 octobre par le ministre tchadien de l’Environnement, Hassan Bakhit Djamous, le gouvernement a mis fin « avec effet immédiat » à tous les partenariats avec African Parks, en vigueur depuis 2010 pour la gestion du Parc national de Zakouma et de la Réserve naturelle et culturelle de l’Ennedi.
Les motifs sont clairs : recrudescence du braconnage, faiblesse des investissements, non-respect des clauses contractuelles, et surtout une attitude jugée irrespectueuse envers l’État.

Le ton de N’Djamena tranche avec les discours de coopération habituels. L’État tchadien dénonce une ONG « déconnectée » des administrations locales et « inefficace » face à la criminalité faunique. Un désaveu cinglant pour une organisation qui se présente comme un modèle africain de gestion durable des aires protégées.

À la même date, à plus de 2 000 kilomètres de là, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et African Parks annoncent avec enthousiasme un nouveau partenariat à long terme pour la cogestion du Parc national de Kundelungu (8 165 km²).
Un contrat présenté comme un « nouveau chapitre » pour la conservation en RDC, prévoyant la mise en place d’équipes, d’infrastructures et d’un plan de gestion participatif.

Le directeur général de l’ICCN, Yves Milan Ngangay, parle d’« opportunité de développement pour les populations locales », tandis que le PDG d’African Parks, Peter Fearnhead, évoque « une mission de restauration écologique et culturelle ».
Mais les mots séduisants suffisent-ils à garantir la transparence ? L’expérience tchadienne, elle, en dit long sur les déséquilibres qui peuvent gangrener de tels accords.

Cette signature intervient pourtant dans un contexte de hausse inquiétante du braconnage dans plusieurs provinces forestières du pays — notamment dans la Tshopo, la Mongala et le Haut-Uélé — où les réseaux de trafic de faune profitent du manque de moyens de surveillance.
Plus grave encore, plusieurs contrats de gestion signés par l’ICCN restent opaques, à l’image de celui conclu avec la société Vantara, dont les modalités demeurent largement méconnues du grand public et des organisations de la société civile.
Dans un environnement où la transparence devrait être la clé, ces zones d’ombre renforcent les soupçons d’une gouvernance environnementale en vase clos.

Le contraste est saisissant : d’un côté, un État africain qui reprend la main sur ses parcs au nom de la souveraineté écologique ; de l’autre, un pays qui renforce la délégation de gestion à une ONG étrangère.
Le Tchad invoque la perte de contrôle, le manque de reddition de comptes, et la marginalisation des institutions nationales. Des griefs que certains experts congolais commencent aussi à soulever discrètement autour du partenariat ICCN–African Parks à Garamba et désormais à Kundelungu.

Pourquoi la RDC, riche d’un réseau d’aires protégées unique au monde, continue-t-elle de déléguer des pans entiers de sa souveraineté écologique à des structures extérieures ?
Quels mécanismes de suivi, d’audit et d’évaluation sont réellement prévus ?
Et surtout, que deviennent les communautés riveraines, souvent spectatrices de projets qui se décident loin d’elles ?

Ce qui se joue ici dépasse la simple gestion d’un parc : c’est la question de la gouvernance environnementale africaine. Alors que des pays comme le Tchad dénoncent la « diplomatie verte » déséquilibrée entre ONG et États, la RDC semble reproduire un modèle de dépendance, sous couvert de protection de la biodiversité.
Faut-il encore signer sans auditer ? Les promesses de conservation valent-elles les risques de dépossession ?
Entre Zakouma et Kundelungu, deux politiques s’opposent : celle du contrôle national et celle de la confiance aveugle. L’histoire, bientôt, tranchera laquelle aura sauvé la faune africaine… et la dignité des États.

Par kilalopress

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