Kinshasa, 22 juin 2025- Dans le tumulte bruyant des exploitations minières de Kolwezi, Fungurume ou Ruashi, il y avait une promesse. Celle d’un avenir meilleur pour les populations vivant à l’ombre des gisements de cuivre, de cobalt et d’or. Cette promesse a un nom technocratique : la dotation de 0,3 % du chiffre d’affaires brut des entreprises minières. Une obligation légale instaurée par le Code minier révisé de 2018, censée financer des projets sociaux tangibles : écoles, hôpitaux, routes, accès à l’eau potable…
Mais selon un rapport accablant de la Cour des comptes, cette promesse a été trahie, méthodiquement, entre 2018 et 2023.À la base, tout semble simple : chaque société minière doit reverser 0,3 % de son chiffre d’affaires brut dans un fonds local dédié. Mais là où l’État congolais a perçu une montagne d’or, les communautés n’ont vu qu’un mirage. Le rapport révèle un écart abyssal de 16,7 milliards USD entre les chiffres déclarés aux impôts (DGI) et ceux communiqués aux DOT, les structures chargées de gérer ces fonds.
Conséquence directe : au lieu de percevoir 310 millions USD, les communautés n’en ont touché que 213 millions. Près de 100 millions USD de déficit. Autant d’écoles jamais construites, de centres de santé abandonnés, de forages jamais réalisés.Le cœur du scandale, c’est une défaillance systémique, révélatrice d’un écosystème minier gangrené. Les DOT – supposées incarner une gestion rigoureuse et transparente – sont en réalité des coquilles vides, infiltrées par des pratiques douteuses.
- Comptabilité fantôme : la majorité des DOT n’obéissent à aucune norme OHADA.
- Absence de contrôle : des projets attribués sans appel d’offres.
- Frais de gestion indécents : les 90 % destinés aux projets communautaires sont siphonnés au profit de dépenses injustifiées.
Dans deux cas emblématiques, 250 000 USD à la DOT de Ruashi Mining et 53 866 USD à celle de Harmonys Mining Ltd (HML) ont disparu. Aucun signalement judiciaire. Aucune sanction. Silence total.L’instance censée assurer la redevabilité du système – le Comité de supervision – est étrangement muette. En six ans, aucune vérification sérieuse, aucun rapport public, aucune sanction. Le rapport parle d’un “climat d’impunité structurel” qui encourage la récidive et affaiblit l’État de droit.La Cour des comptes ne se contente pas de dénoncer : elle appelle à des mesures fortes. Parmi elles :
- la révocation immédiate des gestionnaires défaillants,
- la judiciarisation des détournements,
- l’application de l’article 292 du Code minier, qui permet de suspendre les activités minières des entreprises ne respectant pas leurs engagements sociaux.
Mais en RDC, entre recommandations et application, il y a souvent un gouffre. La question désormais : qui aura le courage politique de franchir le pas ?Pour les populations de Lualaba, Haut-Katanga ou Ituri, ce scandale est plus qu’une affaire de chiffres. C’est la démonstration d’un système extractif qui continue de produire de la richesse sans redistribution, de la croissance sans justice sociale.
Dans les villages proches des sites miniers, les écoles sont en ruine, les centres de santé manquent de tout, et l’eau potable est un luxe. À quoi bon une dotation si elle ne se traduit jamais en projets concrets ?Ce rapport devrait être un tournant, pas un simple document de plus dans une pile oubliée. Il met à nu un mécanisme de spoliation maquillé en levier de développement. Il appelle à une mobilisation citoyenne, politique et judiciaire, pour que les 0,3 % cessent d’être un chiffre creux. La RDC ne peut plus se permettre de perdre 100 millions USD de promesses non tenues tous les cinq ans. La ressource n’est pas le problème. La gouvernance, oui.
Par kilalopress