La République Démocratique du Congo (RDC), pays riche en ressources naturelles, semble se retrouver dans un déni économique, où la gestion des finances publiques se heurte à une réalité sociale de plus en plus insoutenable pour sa population. En dépit de la richesse de son sous-sol et de la diversité de ses écosystèmes, le pays navigue à vue, sans une véritable stratégie de développement durable qui intègre les enjeux écologiques et sociaux.
Le rapport de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) a jeté un éclairage brutal sur cette incohérence, pointant du doigt une gouvernance qui creuse le fossé entre les promesses de croissance économique et la précarité croissante des Congolais, dont une grande partie vit directement des ressources naturelles du pays. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la RDC, qui affichait un taux de croissance économique de 8,90 % en 2022, devrait voir ce chiffre s’effondrer à 5,70 % d’ici 2025, selon les projections de la loi des finances. Ce ralentissement est bien plus qu’une simple fluctuation économique, il est symptomatique de la crise de gouvernance qui touche les fondements même de l’économie nationale. Si la stabilité de l’inflation a été soulignée, la réalité pour les Congolais est toute autre : un pouvoir d’achat en chute libre, ayant diminué de 47,1 % en trois ans, une dévaluation du franc congolais et une inflation qui continue de grignoter les maigres revenus des ménages.
Mais ce n’est pas tout. Le rapport de l’ODEP dénonce également un budget national « irréaliste » et « non crédible », un exemple flagrant d’une politique économique déconnectée des besoins réels du pays. Cette incohérence budgétaire est accentuée par une gestion opaque et une absence de plan de développement global, laissant la population dans une incertitude totale, sans aucune vision claire pour l’avenir. Au cœur de cette contradiction, on trouve la question des ressources naturelles, véritables piliers de l’économie congolaise, mais qui n’ont jamais été exploitées de manière à bénéficier pleinement à la population. Les Congolais vivent en grande majorité dans une économie de subsistance, dépendant directement des ressources naturelles, qu’il s’agisse de l’agriculture, de la pêche, ou de l’exploitation minière artisanale. Pourtant, ces secteurs souffrent d’un manque cruel d’investissement et d’une gouvernance défaillante, laissant les populations sans véritable soutien pour améliorer leur condition de vie.
Le rapport de l’ODEP le souligne avec acuité : “seule une révolution dans le secteur agricole pourra financer une industrialisation saine, dégager un surplus vivrier capable d’assurer l’indépendance nationale”. Mais au lieu de réorienter les investissements vers ces secteurs vitaux, les ressources sont gaspillées dans des projets grandioses et mal maîtrisés, comme le Projet Grand Inga, censé transformer l’économie énergétique du pays, mais qui n’a jusqu’ici fait qu’ajouter à l’opacité et à la complexité bureaucratique. Cette politique de développement incohérente ignore volontairement les véritables leviers du développement durable en RDC, à savoir une gestion responsable de ses ressources agricoles et forestières, et une véritable politique de gestion des terres. L’ODEP ne se contente pas de critiquer la mauvaise gestion budgétaire, mais souligne aussi l’absence de transparence, un facteur essentiel qui perpétue l’injustice sociale. L’absence de visibilité sur les politiques publiques, la corruption généralisée et la mauvaise gestion des fonds publics font le jeu d’une minorité, tandis que la majorité, particulièrement les populations rurales, reste exclue des bénéfices de la croissance économique. “Malgré une reprise progressive post-pandémique, les défis demeurent nombreux, notamment en raison de l’inflation persistante, des tensions géopolitiques et des impératifs écologiques”, affirme le rapport. Les populations vivant des ressources naturelles voient leur environnement se dégrader, tandis que l’État, loin de les soutenir, leur impose des politiques incohérentes qui aggravent leur précarité.
L’ODEP n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme en évoquant l’irréalisme des prévisions économiques et la disconnexion entre la gouvernance financière et les besoins réels du pays. Les multiples crises endogènes et exogènes, qu’il s’agisse de la pandémie de Covid-19 ou des tensions géopolitiques mondiales, ont exacerbé les fragilités du pays. Mais la véritable catastrophe est politique : un État qui n’investit pas dans ses secteurs stratégiques, notamment l’agriculture et la santé, mais privilégie des projets pharaoniques et non viables. Les propositions de l’ODEP sont claires : il est urgent de réorienter les politiques fiscales pour garantir un développement inclusif et durable. L’adaptation des politiques fiscales, selon l’ODEP, est essentielle pour « garantir un équilibre entre soutien à la croissance et maîtrise des dépenses publiques », et pour cela, “l’optimisation des ressources disponibles” doit se faire en priorité dans les secteurs sociaux et écologiques. Mais, à ce jour, il n’existe aucune feuille de route claire qui lie la gestion des finances publiques à une véritable vision de la durabilité environnementale.
Ce rapport de l’ODEP, en exposant les incohérences flagrantes de la politique économique du pays, met en lumière une situation insoutenable pour les populations vivant des ressources naturelles. En laissant de côté les véritables leviers de la croissance durable, à savoir l’agriculture et la gestion responsable des ressources naturelles, la RDC semble condamner une grande partie de sa population à une vie de misère, dans un environnement de plus en plus dégradé. La RDC doit impérativement rompre avec cette gestion chaotique et incohérente, et replacer l’agriculture, la gestion durable des ressources naturelles et la justice sociale au cœur de ses politiques économiques. Il est temps d’adopter une approche proactive et flexible, éclairée par une vision à long terme qui prenne en compte les impératifs écologiques, afin de garantir non seulement une stabilité économique, mais aussi un avenir durable pour les générations futures.
Par kilalopress