La guerre des procédures et des rapports financiers entre l’Agence Française de Développement (AFD) et le ministère de l’environnement et du développement durable (MIN-EDD) de la République Démocratique du Congo prend une tournure dramatique pour la gestion des forêts congolaises, déjà gravement menacées par la déforestation massive. Ce conflit, qui s’est intensifié au mois de décembre 2024, dévoile un affrontement de taille sur l’avenir de l’un des écosystèmes les plus riches et les plus vulnérables au monde.
L’Agence Française de Développement (AFD) a récemment mis en lumière une série de dysfonctionnements critiques qui compromettent l’efficacité du Programme de Gestion Durable des Forêts (PGDF). Ce programme, financé à hauteur de 4 millions d’euros par la France et 12 millions de dollars US par le FONAREDD, est censé soutenir la République Démocratique du Congo dans la mise en œuvre de sa politique forestière nationale. Mais la coopération semble aujourd’hui dans une impasse.
Dans une correspondance datée de novembre 2024, l’AFD a mis en lumière des irrégularités sérieuses : des fraudes potentielles, des retards de reporting, des irrégularités dans la passation de marchés et des manquements administratifs au sein du PGDF. L’Agence a menacé de clore le programme si les dysfonctionnements persistaient, mettant ainsi en péril un projet stratégique pour la gestion durable des forêts congolaises.
Mais la réponse du Ministère de l’Environnement, datée du 10 décembre 2024, n’a pas tardé à fuser. Dans une correspondance de riposte, le Cabinet de Madame Eve Bazaiba, Ministre d’État, exprime sa stupéfaction face à la réponse “disproportionnée” de l’AFD, qualifiant la critique de l’Agence d’un “incident opérationnel”. Selon le Ministère, l’AFD ne semble pas prendre en compte les avancées réalisées dans le cadre du PGDF, malgré les difficultés, et critique les retards administratifs mentionnés. Le Ministère réitère que la RDC continuera à utiliser le programme comme un outil stratégique pour la gestion des forêts, soulignant que la politique forestière nationale reste une priorité gouvernementale, en dépit des tensions.
Ce bras de fer diplomatique arrive à un moment critique pour les forêts congolaises, qui perdent chaque jour de vastes étendues sous les coups de la déforestation illégale, de l’exploitation minière non réglementée et des activités agricoles dévastatrices. La RDC, qui possède environ 60% des forêts tropicales d’Afrique, est l’un des pays les plus riches en biodiversité, mais cette richesse est aujourd’hui en grave danger. Les accusations de fraude et de corruption dans le cadre du PGDF, comme celles évoquées par l’AFD, révèlent une réalité qui dépasse les seules tensions administratives. Les communautés locales, en particulier les peuples pygmées et les communautés riveraines des forêts dans plusieurs province de la RDC , souffrent déjà des conséquences environnementales de cette mauvaise gestion. Le projet PGDF, censé apporter des solutions à la protection des espaces forestiers et au développement durable, pourrait être compromis si le conflit entre les partenaires persiste.
Certains congolais temoins de ce tiraillement pensent que la vulnérabilité des forêts et des communautés locales ne peut être ignorée plus longtemps. Selon ces derniers; si la RDC et ses partenaires internationaux ne parviennent pas à résoudre leurs différends, il sera peut-être trop tard pour sauver ces forêts irremplaçables et les peuples qui en dépendent.
Par kilalopress