RDC en péril : Entre trafic illégal et CITES dépassée, la biodiversité sacrifiée

Kinshasa – La République démocratique du Congo, pays au cœur de la plus grande forêt tropicale d’Afrique et refuge de milliers d’espèces endémiques, se trouve une fois de plus exposée aux failles d’un système international censé protéger la vie sauvage. Deux événements tragiques survenus le mois dernier révèlent l’incapacité de la régulation mondiale à contrôler le commerce industriel de plus de 40 000 espèces en danger et exotiques, et mettent en lumière la vulnérabilité des écosystèmes congolais.

Le premier événement est une confession historique du secrétariat de la CITES, l’organe international chargé de réglementer le commerce des espèces menacées. Dans un document soumis à la CoP20, la direction de l’organisation admet : « Le mode de fonctionnement actuel n’est plus viable. Le moment d’agir est maintenant pour sauvegarder l’intégrité et l’efficacité de la Convention. » Une mise en garde qui avait déjà été portée à leur attention dès 2018.

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Le second événement est tout aussi alarmant : plusieurs organisations mondiales de conservation, pourtant réputées, ont choisi de soutenir des entités privées dans ce vide créé par des décennies de sous-financement et de sabotage de la régulation. Ces systèmes volontaires privatisés, présentés comme des initiatives de transparence, ne font en réalité que masquer l’ampleur des pertes et offrir aux entreprises un moyen de justifier des pratiques de “greenwashing”. Pendant ce temps, les espèces sauvages continuent d’être exploitées à un rythme effréné, souvent à l’insu des citoyens et des autorités locales.

Pour la RDC, ce constat est dramatique. Le pays, riche en biodiversité unique et en espèces menacées, est au cœur d’un commerce mondial qui le dépasse totalement. Les forêts, rivières et savanes congolaises deviennent des proies faciles, non seulement pour les trafiquants illégaux mais aussi pour des circuits légaux insuffisamment contrôlés. La faiblesse du système CITES et le manque de ressources allouées à sa modernisation signifient que Kinshasa et les communautés locales sont laissées seules pour faire face aux ravages de l’exploitation sauvage.

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La situation s’aggrave avec la circulation de faux permis CITES, révélée récemment par la Direction générale de l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature). Selon le communiqué officiel N/Réf. : 00.4./ICCN/DG/MNY/03/11/2025, des documents falsifiés ont été utilisés pour exporter frauduleusement des espèces protégées, dont des lézards armadilles, via des sociétés fictives basées à Kinshasa. Cette fraude compromet la traçabilité des espèces et porte atteinte à la crédibilité internationale de la RDC dans la mise en œuvre de la CITES.

Parallèlement, les arrestations et saisies récentes illustrent la recrudescence du trafic illégal sur le territoire congolais : lionceaux en provenance d’Afrique du Sud, primates saisis en quarantaine à Kisangani, rumeurs persistantes de vente de bonobos et transferts clandestins de chimpanzés depuis Lisala, Inongo et Mbandaka, ainsi que des commandes suspectes de léopards et autres espèces menacées. Face à cette menace, l’ICCN appelle à une vigilance renforcée des services frontaliers et à une coordination interinstitutionnelle accrue, tout en réaffirmant son engagement à démanteler les réseaux criminels et à protéger le patrimoine naturel de la RDC.

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Le document de la CITES souligne crûment : « La situation actuelle a atteint un point critique… Le mode de travail actuel n’est plus viable ni durable. » Pourtant, au lieu de renforcer le régulateur central, les États et certaines ONG préfèrent se concentrer sur des solutions privées et fragmentées, laissant les pays riches dicter leurs priorités, au détriment des écosystèmes les moins médiatisés mais souvent les plus menacés.

Depuis des décennies, le Congo fournit au monde des ressources naturelles uniques. Mais sans une régulation internationale efficace et modernisée, cette richesse devient une vulnérabilité. L’exploitation incontrôlée menace non seulement les espèces emblématiques, mais aussi les moyens de subsistance de communautés entières qui dépendent de la forêt, des rivières et des terres pour survivre. Loin d’être un simple enjeu environnemental, la crise de la CITES est une crise de justice écologique et sociale.

La situation exige désormais un courage politique et scientifique que les organisations de conservation ont trop longtemps refusé de montrer. Si les signataires de la CITES et les ONG mondiales ne répondent pas à l’appel, c’est tout un pan de la biodiversité congolaise qui sera sacrifié au profit d’intérêts privés et corporatifs, transformant le patrimoine naturel de la RDC en simple marchandise pour le marché mondial.

En 2025, la RDC, berceau du bonobo, de l’okapi et de milliers d’autres espèces uniques, est donc doublement vulnérable : d’une part à l’exploitation illégale et incontrôlée, et d’autre part à l’indifférence et au manque d’engagement des institutions mondiales censées la protéger. Le temps de l’action urgente est arrivé, mais pour l’instant, le monde continue de regarder ailleurs.

Par kilalopress

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